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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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République viendrait chez elle, comment elle a préparé le potage au cresson, suivi du bar sauce mousseline, de la côte de bœuf avec jardinière de légumes, fromages, salade et charlotte à la crème anglaise. Les hommes ont parlé des problèmes sociaux. Mais M me  Cuchiarni, étant entre la cuisine et la table, n’a pu suivre la conversation. Les Giscard sont partis vers minuit en annonçant leur intention de revenir bientôt.
    Cette visite s’inscrit désormais dans le rituel giscardien. Pathétique de voir quelle part ce gadget a prise dans la vie de ceux chez qui Giscard s’invite. Cela plaît à coup sûr aux Français. Est-ce que cela désacralise la fonction, comme le dit Sanguinetti ? Peut-être, mais cela rapproche sûrement le pouvoir des gens. Je trouve cela à la fois habile et dérisoire.
    25 janvier
    Congrès radical. Françoise Giroud parle devant une salle bondée. Son discours est bon, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’elle n’a rien à faire ici : au reste, elle ne fait pas de politique, elle fait un excellent topo sur la condition féminine à ces gros sénateurs radicaux qui sont plus antiféministes que quiconque. D’ailleurs, dès qu’elle a fini, c’est Gabriel Perronnet 3 qui prend la parole après elle : un discours plat et ronronnant qu’il fait en tonitruant, à grands coups de phrases martelées, en fixant son œil rond sur la salle. Il cite Herriot, Mendès France (il dit Man’desse ), et parle surtout de la nécessité d’enrevenir à la représentation proportionnelle, gage de la survie électorale du petit Parti radical.
    29 janvier
    Déjeuner avec Alexandre Sanguinetti, plus grognard que nature, avec un visage romain ou plutôt mussolinien. Voix de basse, d’une éloquence de tribun, avec le mot qui tue et la répartie assassine. Un bel orateur qui est aussi une ancienne barbouze gaulliste et qui fait peur à plus d’un chez les gaullistes.
    Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment, au bout de quel processus, de quelles réflexions il a décidé de démissionner, en décembre dernier, du secrétariat général de l’UDR pour laisser sa place sans coup férir à Chirac, auquel rien ne le liait, auquel tout, au contraire, dès avant l’élection de Giscard, l’opposait.
    Il me raconte trop de choses pour que je me souvienne de tout. C’est rétrospectivement très intéressant.
    Il fait remonter la rupture entre de Gaulle et Pompidou à 1965. En juillet de cette année-là, il est convoqué, à Matignon, par Pierre Juillet, qui lui dit : « Il serait temps pour le général de Gaulle de se retirer, et pour Georges Pompidou de se présenter à sa place. » Donc, l’affrontement entre Pierre Juillet et les « barons » a commencé bien avant 1968.
    Sur la candidature Chaban-Delmas en 1974 : « C’est la faute de Messmer. D’abord parce que, la veille de la mort de Pompidou, il ne m’a pas prévenu. S’il avait voulu préparer quelque chose, il aurait dû commencer par me mettre au courant. Et puis, le premier soir, il ne m’a pas dit qu’il voulait se présenter. » Le lendemain mercredi, après le Conseil des ministres, Messmer n’avait toujours pas d’avis. Il a convoqué Sanguinetti et lui a dit : « Chaban est sûr de se présenter. » Réponse de Sangui : « Vous savez, dans ce genre d’affaires, c’est celui qui part le premier qui a des chances. » Et Messmer n’est pas parti.
    Conclusion de Sanguinetti : « Si Chaban s’est présenté, ce n’est pas ma faute, c’est la faute de Messmer. »
    En juin 1974, immédiatement après l’élection de Giscard, il aurait pu casser l’UDR : « Cinquante fédérations m’avaient demandé l’exclusion de Jacques Chirac. Je n’en ai même pas parlé ! » Il ne l’a pas fait parce que, dit-il, l’UDR a été créée pour suivre le chef de l’État. Ce n’est pas parce que le chef de l’État, pour une fois, n’est pas « l’undes nôtres », qu’il fallait lui rendre la tâche impossible. Dans cette démarche, m’assure-t-il, il a vu Chirac qui, lui non plus, ne voulait pas casser l’UDR.
    C’est sur ce schéma que les deux hommes se sont rencontrés. C’est sur ce schéma que Sanguinetti, dès le 12 juillet 4 , est tombé tactiquement d’accord avec Jacques Chirac – ce qui explique les propos que m’avait tenus celui-ci à l’été 74.
    Arrive le 14 décembre, il y a un mois, et Chirac lui annonce son intention de prendre le

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