Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
signé pour cinq ans ! « Qu’est-ce qu’on va leur dire pour les convaincre, pour leur courir après ? Non, leur dire la vérité, c’est tout ! »
    Troisième point, enfin : le Parti socialiste. La question est simple : Mitterrand veut-il la synthèse entre le Ceres et la majorité du parti, ou pas ? « J’étais ému, dit-il, par la suavité des propos de Jean-Pierre (Chevènement), ce matin. Quel garçon charmant ! Je le pense depuis quinze ans. C’est un plaisir de vivre ensemble ! » Après cette entrée en matière, suit un passage éblouissant dans la polémique. J’en note la moindre phrase avec frénésie. Qu’est-ce qu’il lui passe, au charmant Chevènement, ainsi qu’à son équipe ! Avec quelle férocité ! Pas une férocité entre adversaires, mais une férocité entre amis, ce qui est pire. Je peine à tout noter, mais ça vaut le coup. Il s’adresse uniquement au Ceres, persuadé qu’il soude, ce faisant, la majorité du Parti socialiste :
    « Vous vouliez un programme commun ? Qu’avons-nous fait avec vous, et vous avec nous ? Vous vouliez un projet socialiste ? Il va bientôt avoir trois ans ! Vous vouliez élargir l’audience de la gauche dans le pays ? Qu’avons-nous fait, et au nom de quoi vient-on nous demander encore plus, et plus vite ? Vous vouliez un Parti socialiste ? On l’a fait ! Ce n’est rien ? Alors quoi ? Ce qui est bien, c’est vous ? Ce qui est mal, c’est nous ?
    « Il faut que ce soit clair, termine-t-il (et un silence pesant tombe à ce moment-là sur le congrès). Le problème est celui du secrétariat, le gouvernement du parti. Tant que j’aurai ces responsabilités-là, aucun d’entre vous ne s’incrustera dans ces places fortes, il n’y aura pas de partage du pouvoir, chacun fabriquant un parti contre l’autre. Lorsque la tolérance perd du terrain, j’ai peur pour le socialisme ! »
    1 er  février
    Pendant que la fameuse commission des résolutions est réunie, et après avoir dîné dans un des bons restaurants de la ville (le métier de journaliste n’a pas que des inconvénients), je me retrouve dans ma chambre d’hôtel pour poursuivre ce carnet maintenant que les orateurs se sont tus.
    La cause est entendue, et tout le monde a compris : Mitterrand veut en finir avec la pression, morale, politique, idéologique, exercée par le Ceres. C’était déjà le cas au dernier congrès, celui de Grenoble, mais il avait cru qu’enlever le secrétariat à l’organisation à Georges Sarre suffirait à réduire les partisans du Ceres. Aujourd’hui, il ne veut même pas envisager de les garder au secrétariat du parti. Il ne veut pas de synthèse : il préfère scinder le parti plutôt que sauver une fausse unité entre des fractions opposées dont il craint que l’une ne veuille le détruire et mettre à bas ses projets de prise du pouvoir. Il juge que l’essentiel est de disposer d’un outil en ordre de marche, même s’il regrette lui aussi, comme Michel Rocard, qui lui a succédé tout à l’heure à la tribune, que les problèmes internes au parti « ne nous laissent pas le temps de nous consacrer à la façon dont gouverne Giscard d’Estaing ». Pour Mitterrand, aujourd’hui, il faut faire un parti solide. Il a déjà assez de mal avec le Parti communiste, il ne veut pas en avoir avec le PS !
    Cela étant, quel orateur ! Même si j’aime l’éloquence distinguée, à l’usage de ses pairs, de Giscard, si je trouve Marchais efficace à la télévision, et même supérieur à beaucoup d’autres sur le petit écran, même si, en salle de congrès, Maurice Faure entraîne ses auditeurs dans l’humour et la rhétorique de la période, même si Edgar Faure me fait tordre de rire par son maniement de la dialectique, si Michel Debré arrive à soulever l’ardeur des compagnons gaullistes avec ses psalmodies, et si Alexandre Sanguinetti s’y connaît dans l’art de pourfendre ses adversaires dans un préau d’école, il n’y a sans doute pas d’orateur de congrès aussi efficace que Mitterrand.
    2 février
    C’est Lionel Jospin qui présente le rapport sur l’organisation, ce dimanche matin. Je ne le connais qu’à peine. Je sais que Mitterrand s’est entiché de lui récemment et que sa haute silhouette surmontée de cheveux presque crépus apparaît désormais parmi ses proches. D’après ce qu’il résume ce matin devant l’ensemble des congressistes, je me dis que les séances de la

Weitere Kostenlose Bücher