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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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qui peut se passer, si Giscard continue à désacraliser sa fonction, à désacraliser le pouvoir, c’est une sorte de fascisme. » Il réfléchit un instant, cherche ses mots, puis a cette phrase que je trouve formidable dans sa concision, et qui s’est inscrite dans ma mémoire : « Les Français sont tellement habitués à la liberté qu’ils mettraient beaucoup de temps à s’apercevoir qu’ils en sont privés ! »
    Pour le reste, il me sort des horreurs sur tout le monde. Sur Roger Frey, qui « a toujours joué tous les jeux ». Sur Michel Debré : « C’est lui qui a inventé, à mon propos et à celui de quelques autres, l’histoire du “clan corse”. Je ne lui pardonnerai jamais ! » Sur Olivier Guichard : « Il en voulait beaucoup au général de Gaulle, sur la fin, car il savait que, de Gaulle vivant, il ne serait jamais ministre. Il était au fond favorable à la candidature de Georges Pompidou depuis 1965. Sur Chaban-Delmas : « Il nous a tous épouvantablement déçus. Jamais je n’aurais imaginé qu’il puisse à ce point rater sa campagne. »
    31 janvier, 1 er et 2 février
    Congrès du Parti socialiste à Pau, dans une immense salle bourrée de monde, aux dominantes bleue et beige. De grandes plantes vertes habillent la tribune où s’installent les leaders du parti, François Mitterrand au milieu. À ses côtés, à droite, Pierre Mauroy, puis Claude Estier, Louis Mermaz, Jean Poperen et Georges Sarre ; à gauche, André Labarrère, maire de Pau, qui reçoit tout le congrès dans sa ville, Didier Motchane, Gérard Jaquet, Pierre Bérégovoy, Gilles Martinet, d’autres encore. Une seule femme dans les instances dirigeantes : Yvette Feuillet. Les orateurs se succèdent sur un podium situé juste en dessous de la tribune centrale. Danielle Mitterrand, pour une fois, est là : on la voit se mêler aux congressistes palois.
    Apparemment, Chevènement est décidé à être, face à Mitterrand, la vedette du congrès. Ça en énerve plus d’un. Lorsque j’arrive, samedi matin à 10 h 30, c’est lui qui parle. La première de ses formules que j’entends est : « Il y a autant de différence entre Michel Rocard et nous qu’entre Bugatti et Renault : entre des modèles de série et un prototype. » Je ne sais pas qui est le modèle de série et qui est le prototype, mais la comparaison, en quelque sens qu’on la prenne, me fait rire.
    Je n’ai jamais trouvé que Chevènement soit un grand orateur, car il ne recherche pas d’effets : ses phrases sont toujours nourries de références historiques, de réflexions quasi métaphysiques. Aujourd’hui, pourtant, il est franchement en forme, avec tout un lot de formules, une agressivité ironique, un esprit perçant. Avec ses longues mèches brunes qui lui tombent sur le front, et qu’il dégage souvent d’un mouvement de tête, il a l’air tellement plus jeune que tous les autres qu’il en est presque attendrissant !
    Tout son discours, qui agace Mitterrand au plus haut point (je le vois rien qu’en le regardant, de loin, à la tribune, en train de se plonger dans des papiers qu’il ne lit pas), est consacré au programme commun et à la nécessité d’« approfondir l’union ». Ce qu’il propose, c’est une campagne commune à la base sur quatre grands sujets : l’emploi, les services publics, les libertés, les patrons. Ainsi que la constitution de listes d’union de la gauche avec les communistes pour les prochaines municipales : union dans les villes de moins de 30 000 habitants au moins au deuxième tour, dans les villes de plus de 30 000 habitants avant le premier tour. Il me paraît assez imprudent, lorsqu’il conclut : « Nous ne serons pas à la direction du parti, s’il le faut, en soutenant cette position. »
    Toutes les interventions après la sienne portent sur le programme commun et le jusqu’au-boutisme du Ceres.
    Ainsi Arthur Notebart, qui fait sans doute partie de ces « vieux crabes » dont me parlait Claude Estier, qui ont toujours douté des communistes : il plaide avec force pour l’indépendance du PS. « Pas question d’accepter un alignement, une soumission au PC ! Le droit à la différence, hérité de l’Histoire, dicte notre comportement ! »
    Ainsi, sur l’organisation du PS, Gaston Defferre, qui continue à avoir peur des méthodes auxquelles ont recours les chevènementistes pour prendre le pouvoir au sein de la direction : « J’ai des rapports

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