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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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qu’il vient de tenir :
    « Le fond du débat, explique-t-il, c’est que le président de la République veut rester en tout état de cause à l’Élysée. Pour nous, c’est le point important : la dégradation de la majorité est une conséquence et non une cause de cette prise de position du chef de l’État.
    « Raymond Barre, continue-t-il, n’arrête pas de dire que c’est son plan qui gagnera les élections. Je n’en ai pas l’impression, ni sur le plan de l’indice des prix, ni sur le plan du chômage. Toutes les entreprises françaises sont l’arme au pied, personne n’embauche ! »

    14 juin
    Voilà enfin le débat attendu, le débat sur l’Europe à propos duquel Raymond Barre va engager la responsabilité du gouvernement. Sur l’élection de l’Assemblée européenne au suffrage universel que Michel Debré ne cesse depuis plusieurs mois – que dis-je, depuis plusieurs années ! – de condamner. L’issue est sans surprise, puisqu’on voit mal les députés RPR joindre leurs voix à celles des communistes dans une motion de censure. Il n’empêche : le débat est d’une extrême importance, parce qu’il oppose deux conceptions différentes de l’Europe, l’Europe gaulliste et l’Europe centriste.
    Il commence par une bataille juridique entre Pierre Juquin 17 , au nom du PC, et Edgar Faure, sur le point de savoir si on peut ou non amender un traité international. Le droit donne raison à Edgar Faure, le débat peut donc s’engager sur le fond.
    Tous les échanges qui suivent montrent qu’un dialogue de sourds, pour l’essentiel interne à la majorité (l’opposition étant résolue pour une fois à taire ses divergences sur le sujet), s’engage.
    Dialogue de sourds sur l’article 128, que soulève Pierre Juquin. Edgar Faure dit : pas d’amendement possible sur un texte international. Les communistes, les socialistes, auxquels se joint le RPR, contestent : c’est faux, un projet de loi déposé par le gouvernement peut tout à fait être amendé par les députés, même s’il concerne un texte international.
    Dialogue de sourds sur les compétences de l’Assemblée européenne. Edgar Faure dit, croyant aller dans le sens de Michel Debré : « Il faut fixer les compétences de l’Assemblée européenne pour qu’elles ne les prennent pas toutes. » Cela est loin de suffire à Michel Debré, qui entend aller plus loin. Il craint effectivement que, si on ne fixe pas les compétences de cette assemblée, elle s’érige en parlement et fasse la loi au-dessus des parlements nationaux. Il s’enflamme, déclare qu’il ne croit pas que « la France puisse rester en mesure de bloquer toute initiative qu’elle ne jugerait pas conforme à ses intérêts fondamentaux », ainsi que l’a assuré tout à l’heure le nouveau ministre des Affaires étrangères, Louis de Guiringaud. « J’ai demandé une nouvelle négociationpour mettre fin à l’ambiguïté », dit Debré avec une conviction qui ne surprend pas chez lui. Il s’agit, martèle-t-il à la tribune, de la création d’une institution nouvelle qui prendra sa vie propre dès lors qu’elle sera établie. Une nouvelle négociation doit intervenir pour garantir qu’il n’y aura aucune extension de compétences hors du traité de Rome, et cet accord devra être signé par tous les pays concernés.
    Dialogue de sourds, enfin, sur le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui autorise le gouvernement à engager sa responsabilité sur un texte et à considérer qu’il est adopté sauf si une motion de censure est déposée par les élus et votée par eux 18 .
    Devant la menace brandie par le gouvernement de recourir à ce fameux article pour faire adopter sans vote la loi européenne, toute la difficulté, pour les parlementaires gaullistes, est aujourd’hui de critiquer l’emploi de cet article 49 qui a longtemps été présenté par les auteurs de la Constitution de la V e  République comme l’outil essentiel de la stabilité du régime.
    « J’ai rédigé cet article en 1958, appliqué pour la première fois en 1959, plaide Michel Debré à la tribune : je sais que cet article est destiné à empêcher la crise gouvernementale, pas à dessaisir le Parlement. Il s’agit d’un détournement de procédure ! D’une interprétation abusive, d’autant plus abusive que l’article 53 prévoit un droit spécial du Parlement pour la ratification des traités. »
    Le dialogue

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