Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
passé comme si l’explosion de Chirac avait tout réglé, comme si son intervention avait en réalité permis de classer l’affaire. J’ai l’impression que la majorité est passée si près de la rupture qu’elle a choisi, après que Chirac s’est défoulé à la tribune, après qu’il a dit ce qu’il avait à dire, de recoller les morceaux coûte que coûte.
    Le texte a finalement été adopté conformément à l’article 49-3, ce qui a arrangé tout le monde : les RPR, qui n’ont pas eu à l’accepter, et les giscardiens, qui souhaitaient qu’il passe. Comme ni Giscard ni Chirac ne veulent profondément la crise avant les législatives, tout le monde s’en est arrangé.
    Il n’y a que Barre, paraît-il, qui a trouvé ce happening parlementaire insupportable.

    En marge du débat, je rencontre Michel Rocard. Il faut l’entendre critiquer le programme commun. « Il y a tellement d’erreurs, dans la partie économique, dit-il, que cinq ans après la signature, on en découvre encore ! Sur l’électronique, le secteur bancaire, par exemple ! »
    Au PS, il se dit en quarantaine et critique avec vigueur l’autoritarisme de François Mitterrand.

    Anecdote sur Giscard, racontée par Roger Stéphane, puis par Bernard-Henri Lévy lui-même. Hier ou avant-hier, peu importe, Alice Saunier-Seité, ministre des Universités, accompagnée de Bernard-Henri Lévy, Emmanuel Le Roy-Ladurie et quelques autres historiens ou philosophes, était reçue par Valéry Giscard d’Estaing à l’Élysée. À un moment de la conversation à bâtons rompus qui s’était établie entre ses invités, Giscard, plus méditatif et rêveur que jamais, pose cette question : « Vous qui êtes historiens, pouvez-vous me dire pourquoi la majorité a été battue en 1978 ? » Stupeur ! Personne ne peut croire que le président ait perdu la tête et se croie déjà en 1978. Après quelques secondes de silence, Le Roy-Ladurie, affolé, risque : « Peut-être pour des raisons sociologiques ?
    – C’est possible, dit Giscard, mais ce n’est pas suffisant. »
    Quelques instants plus tard, il prend congé, courtoisement, à son habitude, en laissant ses invités d’un jour dans la perplexité.

    17-18-19 juin
    Congrès socialiste à Nantes. Rien ne se passe vendredi et samedi matin : les congressistes chantent de multiples fois L’Internationale , et surtout le nouvel hymne socialiste composé par Théodorakis : Changeons la vie ici et maintenant  ! Le congrès traîne.
    Gilles Martinet m’a raconté qu’hier soir, au cours d’une réunion qui a eu lieu dans le petit hôtel où réside Gaston Defferre, à quelques kilomètres de Nantes, Mitterrand s’est irrité de voir Pierre Mauroy et d’autres essayer de se rapprocher de Jean-Pierre Chevènement. Il attend, lui, que celui-ci manifeste ses divergences sur un certain nombre de terrains politiques : la politique nucléaire, les rapports avec le Parti communiste, le volume des nationalisations. Cela donne quelques indications sur son état d’esprit : il juge toujours le Ceres trop indulgent avec le Parti communiste.
    Justement, en fin de matinée, après Michel Rocard, Chevènement intervient. Le Ceres est toujours dans la minorité du parti, mais il est plutôt favorable à l’idée de rejoindre la majorité, de faire la synthèse, comme ils disent, avec elle. « À la veille d’une victoire possible de la gauche, nous nous posons la question de la synthèse, nous vous le disons fraternellement : nous souhaitons une synthèse, c’est le souhait profond de 98 % des militants. L’unité du parti n’a pas de prix ! »
    Ce n’est pas sur l’unité que l’attend Mitterrand, mais sur ses rapports avec le Parti communiste. Là-dessus, il avoue ses divergences avec Michel Rocard sur les nationalisations, la décentralisation, sur la notion de profit, sur l’économie de marché, la place du pôle public, le protectionnisme. Cela, sans jamais se désolidariser de François Mitterrand, et même en faisant mouvement vers lui. « Je comprends, a-t-il dit, que François Mitterrand ait besoin d’une marge tactique. Nous lui faisons confiance pour l’ordre de bataille ; pour les grandes choses nous serons toujours derrière lui. Si un accord politique est trouvé, c’est cet accord politique que nous voulons. Cet accord nous dépasse tous. L’enjeu, ce n’est pas la conquête du parti, c’est la victoire des forces populaires ! »
    Ovations

Weitere Kostenlose Bücher