Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
parent de calicots. Grand succès pour Jean-Pierre Soisson, nouveau secrétaire général depuis que Jacques Dominati a été emporté par les remous de l’échec giscardien à Paris. Soisson avait prudemment organisé sa claque.
Sur la tribune des arènes noyées sous les averses, balayées par un violent vent d’est, les grands caciques, les chefs historiques ont disparu : pas de Poniatowski, pas de Michel d’Ornano. Seul Roger Chinaud, président du groupe parlementaire, représente la vague des combattants de la première heure. En revanche, autour de Jean-Pierre Soisson apparaissent de nouveaux visages : ceux de Bertrand de Maigret, de Dominique Bussereau, les jeunes du mouvement, comme si celui-ci voulait apparaître comme un parti neuf, tout juste sorti de l’œuf.
Pendant que Soisson parle, je me demande pourquoi Ponia a été banni. Banni, il n’y a pas d’autre terme : c’était le seigneur préférédu roi, celui qui lui rendait le plus souvent hommage, qui parlait à sa place, son frère d’armes, presque son alter ego. Et puis, d’un coup, plus rien ! Je veux bien croire que, les deux autres ministres d’État étant débarqués, il fallait se débarrasser du troisième pour ne pas risquer de déséquilibrer la majorité. Mais ne pouvait-on lui confier la direction, la présidence du Parti républicain ? Pourquoi ? A-t-il déplu ? À quel sujet, quand ? Est-ce Raymond Barre qui a réclamé sa tête ?
J’ai peine à croire qu’il ait ce pouvoir sur Giscard : si celui-ci avait décidé de garder son copain au gouvernement, je ne vois pas que Barre aurait pu l’en empêcher. Je demanderais bien sa vérité à Ponia, mais il ne me la dirait pas. Le communiqué qu’il a rendu public au moment de son départ du ministère de l’Intérieur était plus que froid : glacé 15 ! Il faudra laisser passer quelques semaines avant de le questionner sur la véritable raison de son départ : rupture personnelle ou politique avec Giscard ? S’il ne s’est pas, dans l’intervalle, comme les bannis de Louis XIV, replié sur sa villa du Rouret, dans les Alpes-Maritimes...
Dans son discours, Jean-Pierre Soisson se démarque très peu – pour ainsi dire pas du tout – du pacte majoritaire dont il reprend les termes exacts. Vis-à-vis de Raymond Barre, aucune ambiguïté : le congrès est presque plus barriste que giscardien. C’est derrière Raymond Barre, qu’il considère comme le véritable chef de la majorité, que Soisson appelle les Républicains indépendants à s’unir.
Quant aux partenaires du programme commun, Soisson les stigmatise en prenant soin de distinguer communistes et socialistes. Le Parti communiste est présenté comme un parti dangereux et cohérent, dangereux parce que cohérent, qui entend nationaliser de proche en proche toute l’économie, et finalement isoler la France en la faisant sortir de la Communauté européenne. Le Parti socialiste, lui, est présenté comme à la traîne, incapable des’opposer au PC, sans autonomie et sans perspectives autres que celles offertes par le programme commun.
Les journées de Fréjus s’achèvent sur un changement de nom du parti – ou du petit groupe – qui a porté Giscard au pouvoir. Les RI appartiendront désormais au Parti républicain. Le nom en a été trouvé les jours précédents au cours d’un déjeuner à l’Élysée.
2 juin
Jérôme Monod 16 , secrétaire général du RPR, fonction purement politique qui ne lui va pas comme un gant, détaille devant la presse, d’une voix et avec une attitude assez mécaniques, l’agenda prochain de Jacques Chirac : le 4 juin, élection des membres des fédérations RPR au comité central ; le 7, bureau politique du mouvement gaulliste sur l’Europe ; ouverture par Jacques Chirac d’une session de formation aux nouveaux maires RPR, les 25 et 26 juin prochains à Paris.
C’est sur l’union que cet homme au parler sec, sans fioriture et sans sourire, se laisse aller pour la première fois à un certain optimisme. Il dit qu’« un bon climat est en train de s’instaurer », que Raymond Barre a employé deux mots nouveaux dans son vocabulaire : synthèse et conciliation. Il en déduit que « la majorité est en train de commencer à vivre, et d’arrêter de se défaire ».
Ai-je bien entendu ? Ou bien le naturel a-t-il tout de suite repris le dessus ? En deux phrases, à la fin de l’entretien qu’il accorde, il met en doute les propos
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