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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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élites locales, des notables dont l’absence lui a fait cruellement défaut en mai dernier. Je pense, moi, qu’il avait un référendum rentré sur l’estomac depuis qu’il y a renoncé, l’année dernière. En tout cas, alors que le camp gaulliste se tait, les premières réactions à gauche ne sont pas bonnes. Guy Mollet parle d’une « fausse régionalisation, d’une fausse participation, d’un référendum faussé ».
    La condamnation du référendum, exprimée à tour de rôle par les leaders de l’opposition, porte autant sur la forme que sur le fond.
    « La régionalisation telle qu’elle est conçue par le général de Gaulle, dit François Mitterrand aujourd’hui, n’est qu’un moyen de raffermir le pouvoir central dans ses terminaisons : au lieu d’un seul Napoléon, nous aurons bientôt vingt et un Napoléon régionaux ! »
    La réforme du Sénat suscite au moins autant de réserves. C’est d’autant plus paradoxal que les clubs de Mitterrand, la Convention des institutions républicaines en tête, avaient été les premiers à contester, et depuis longtemps, le mode d’élection des sénateurs. « De là à lui enlever tout pouvoir législatif, râle Claude Estier, il y a tout de même de la marge ! »
    Et puis on polémique aussi sur le recours au référendum en reprenant l’antienne connue : le suffrage universel est truqué par une question mal posée, en l’occurrence par deux questions différentes auxquelles les électeurs sont priés de ne donner qu’une seule réponse. C’est en réalité un plébiscite caché.
    Dès que le référendum a été annoncé, dimanche dernier, les jeux étaient faits : la gauche socialiste a décidé de voter « non », de même que Mitterrand et le Parti radical. J’ai tout de même entendu, dans les clubs, des partisans de l’abstention. Plus exactement d’une abstention mathématique : « Si on additionne les 3 millions 900 000 abstentionnistes de juin 1968, les 3 345 000 voix communistes, les2 770 000 de la Fédération de la gauche, les 613 000 voix du PSU et les quelque 200 000 divers gauche, me dit l’un d’eux (j’ai oublié qui), on arrive à près de 11 millions de voix. Avouez que cela fait rêver ! »
    Il faudrait, c’est évident, pour que la décision d’abstention ait un sens, que toute la gauche tombe d’accord sur le même mot d’ordre. Ce qui n’est pas le cas, puisque Mollet, Mauroy et Mitterrand sont d’emblée favorables au « non ». Et que des militants des clubs s’interrogent.
    Les communistes, plus nuancés, disent pour l’instant qu’ils ne voteront pas « oui ».
    Restent les centristes, qui, comme d’habitude, se divisent : Joseph Fontanet penche plutôt pour le « oui », le Centre démocrate, avec Jean Lecanuet, qui a un groupe au Sénat, plutôt pour le « non ». Bref, entre le bulletin nul et le bulletin « non », la non-participation et le « oui-non » (« oui » à la réforme régionale, « non » à la réforme du Sénat), beaucoup hésitent. Giscard, lui, doit se préparer à un « oui mou » !
    Quant à Alain Poher, président du Sénat, il est le premier concerné par ce qui peut arriver à cette honorable assemblée. Il est passé hier à la télévision, où il a plaidé pour sa haute assemblée, non sans une certaine rondeur, avec une éloquence efficace de notable local.
    Il avait rencontré le Général en octobre dernier et, à nouveau, il y a quelques jours 7 . La première fois, le Général avait dit qu’il lui reparlerait du Sénat et de sa réforme. Lors de la seconde rencontre, en janvier, il est entré dans le détail de la réforme qu’il souhaitait, et Alain Poher a déclaré en sortant qu’un référendum sur la réorganisation du Sénat désorganiserait le pays. Aujourd’hui, il ne change pas d’avis. Il en parle devant les caméras de façon modérée, prudente, avec un souci de ne pas déclarer la guerre au Général, d’autant moins qu’il ne connaît pas encore le texte qui va être soumis à référendum.
    Il ajoute une analyse réduite, mais réelle, du texte référendaire : « Si le Sénat devient un grand Conseil économique et social, ce n’est plus un Sénat ! »
    Quant à Giscard, il a vu Poher le 10, ce lundi, et est sorti en livrant cette phrase : « Je continue à penser qu’un référendum n’estpas souhaitable. » Il ne le souhaite peut-être pas, mais que répondra-t-il ? Dis-moi oui,

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