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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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à nouveau installée dans la stabilité ».
    C’est presque un gag. Borniol à la télé.

    2 février
    J’écris ces lignes en rentrant de Bretagne, où, pour la première fois, j’ai suivi le général de Gaulle dans sa tournée provinciale.
    Donc, il y aura un référendum. Il l’a annoncé ce matin à Quimper devant une foule clairsemée mais vibrante. Une foule très surveillée, aussi : pendant qu’il parlait, ce dimanche matin, j’ai vu, dans les rues adjacentes, quelques manifestants, qui tentaient d’arriver jusqu’à la place, être refoulés fermement par la police et embarqués durement dans un camion.
    Les trois jours que je viens de vivre au cours de ce voyage présidentiel ont été bizarres pour moi : comme c’était la première fois que je suivais de Gaulle, je ne m’attendais pas à trouver autour de lui un tel chahut, avec des gens aussi hostiles, ou du moins partagés. Le premier soir, vendredi, à Rennes par exemple, des bagarres ont éclaté dans la soirée, pendant le dîner officiel, entre les étudiants et le service d’ordre. Les bureaux et les studios de l’ORTF de la ville ont été assiégés et dégagés par les CRS. Ce n’est qu’en quittant le restaurant où dînaient tous les journalistes que nous avons pu, ensemble, voir les affrontements : à tel point que la police avait bouclé le quartier de la préfecture où le Général passait la nuit.
    Scène analogue le lendemain à Brest : là, ce n’était pas dans les rues que l’agitation régnait. Manifestement, les Brestois avaient eu peur des manifestations et beaucoup avaient préféré rester chez eux. En revanche, ils étaient un ou deux milliers devant des barrières, à l’hôtel de ville, à manifester leur mécontentement et à agiter des drapeaux noir et blanc de la Bretagne indépendante. J’ai même frémi, à un moment, parce que de Gaulle, qui ne voit rien ou pas grand-chose, a échappé à ses gardes du corps pour aller serrer des mains dans la foule. À côté de l’endroit où il se trouvait, sans ses gardes du corps qu’il avait pris de court, un jeune homme a essayé de le frapper avec un énorme parapluie qu’il maniait comme une canne. Il n’y est pas arrivé, parce qu’il était trop éloigné de lui, au cinquième ou au sixième rang dans la foule, mais le cœur y était. Alors, dans les premiers rangs, ceux qui tendaient les mains vers de Gaulle, outrés par les moulinets inefficaces du parapluie, ont entonné un couplet de La Marseillaise .
    Je ne suis pas gaulliste, et pourtant je me suis surprise moi aussi à m’indigner intérieurement de ce qui m’est apparu comme un sacrilège : à l’idée de voir le parapluie d’un quidam brestois atteindre à la tête le général de Gaulle, je me suis sentie bouleversée, comme si je jugeais, au plus profond de moi, inadmissible de lever la main ou le bras sur le chef de la France libre, devenu un vieillard presque aveugle au surplus !
    Je reviens à l’annonce du référendum. Le Général a donc prononcé un discours place de la Résistance à Quimper. L’esplanade était entourée de barrières : à l’intérieur de l’enceinte réservée aux invités et au public avaient pris place les troupes de choc du gaullisme : le SAC 6 , les CDR, les jeunes de l’UJP. Et aussi, bien sûr, les maires, les membres du gouvernement et les élus du département. Je me suis trouvée par hasard au bas de la colline qui borde la place, à côté d’un gaulliste historique, aussi grand que le Général et patron de l’AFP, Jean Marin. C’est lui qui m’a fait remarquer les quelques rafles auxquelles se livraient les policiers aux abords de la place. Lui encore qui m’a dit, pour avoir suivi la plupart des déplacements du Général en province, que ce voyage-là ne ressemblait pas tout à fait aux autres, que le chef de l’État y était beaucoup plus contesté.
    De fait, j’ai trouvé que l’ambiance n’était pas à la gaieté : le seul moment où la foule a ri et fait un semi-triomphe au président de laRépublique, c’est quand il a cité quatre vers de son oncle, le barde breton qui porte son nom, Charles de Gaulle. Pour le reste, l’annonce du référendum a été accueillie sans chaleur. Le texte portera donc sur la réforme des régions et celle du Sénat. Ce sera le cinquième référendum de la V e  République.

    4 février
    Georges Suffert est convaincu que de Gaulle entend, par sa réforme régionale, créer des

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