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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dis-moi non...

    12 février
    Je n’en finirais pas de noter sur ce cahier l’extrême effervescence des uns et des autres dans la perspective du référendum. Trois heures ont suffi aux communistes, en comité central à Vitry, pour dire « non », définitivement « non ». Les socialistes, entraînés par Mauroy, ont décidé de dire « non » eux aussi : « Dans une lutte politique de ce genre, a dit Mauroy, il faut être pour ou contre. Personne à gauche ne comprendrait une consigne craintive d’abstention. »
    Alain Poher est pour le moment sur une ligne simple : il y a deux questions, il faut que les Français puissent y apporter deux réponses. Il ne sort pas de là.
    Une certitude : même si la gauche est largement d’accord pour voter « non », sa position commune sur le sujet ne la ressoude absolument pas : entre L’Humanité et Le Populaire , les polémiques se multiplient. Tantôt c’est Pierre Mauroy qui est pris à partie par les communistes pour d’éventuelles réticences à envisager l’union de la gauche. Tantôt c’est Claude Fuzier 8 qui condamne la CGT et son « étonnante initiative », la journée d’action d’aujourd’hui.

    Je rencontre Mitterrand en fin d’après-midi. Il continue de méditer sur sa défaite de 1968, qu’il n’a toujours pas digérée. Il ne peut pourtant pas considérer qu’il doit prendre du champ. L’été dernier, quand il m’avait fait part de son indignation, de son amertume plutôt, à l’idée que ceux-là mêmes qui l’avaient poussé à s’exprimer en mai étaient les premiers à réclamer, en juillet, sa démission de la présidence de la FGDS, je le croyais blessé, atteint pour longtemps. Aujourd’hui, six mois ne se sont pas écoulés qu’il me parle d’un nouveau départ, d’une nouvelle campagne. Selon lui, le référendum, imposé à la gauche comme une contrainte, devrait au contraire être le signe d’une nouvelle mobilisation.
    Il me dit qu’il va reprendre ses déplacements dans une vingtaine de départements. Rien ne vaut, politiquement en tout cas, à ses yeux, la nécessité de l’union. Je ne sais pas comment il fait pour se mobiliser lui-même.
    Il me lit, en chaussant ses lunettes, un passage de l’article qu’il a rédigé pour le numéro 4 de la revue socialiste Dire  : « C’est à un système de gouvernement, celui du mépris des lois, c’est à la machine à broyer les consciences [...] que je dirai non 9 . »

    15 février
    Hier, nouvelle intervention de Georges Pompidou dans le jeu politique. C’était à Genève, à la télévision suisse, la TSR, qu’il a pour commencer fait allusion à son « destin national 10  ».
    Devant les Français de Genève, il avait déjà suggéré qu’il n’avait pas seulement un passé, qu’il aurait un avenir. C’était au cours d’un dîner de sept cents couverts – record absolu dans l’histoire des citoyens français de Genève. Il a donné sa version de ce qui s’était passé en mai 68 en laissant entendre en filigrane qu’il reviendrait au pouvoir. Catherine Nay a assisté au dîner : elle est absolument certaine, cette fois, qu’il s’agit d’une véritable déclaration de candidature.
    Il faut dire que c’est bien différent de ce qui s’est passé à Rome, où sa déclaration a été un coup de tonnerre dans un ciel serein. Là, à Genève, en parlant de « destin national », pendant l’agitation pré-référendaire, alors que la France se divise entre « oui » et « non », Pompidou sait bien que la moindre de ses déclarations apparaît non pas comme une simple critique du Général, mais comme une offre de services pour éventuellement le remplacer.

    19 février
    Les dés roulent : Jean Lecanuet a dénoncé à Marseille, avant-hier ou hier, le double dessein du pouvoir : « Étouffer le Sénat » et créer une « illusion de région ». Il votera « non ».

    27 février
    Ça y est : l’avant-projet de loi référendaire a été examiné pendant le Conseil des ministres qui s’est tenu exceptionnellement aujourd’hui, un jeudi. Il se compose de 52 articles, abroge 25 articles de la Constitution et 3 lois organiques. Il se confirme que le Sénat perd ses attributions législatives et que son président n’exercera plus l’intérim du président de la République en cas de départ de celui-ci.
    C’est faire d’Alain Poher, comme prévu, l’adversaire acharné du projet de loi référendaire.

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