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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Et des sénateurs les relais en province d’une lutte à mort contre le texte voulu par le général de Gaulle.

    19 mars
    L’état des forces réelles de la gauche : depuis mai dernier, seuls – du moins en ai-je l’impression – les communistes résistent. D’ailleurs, le nombre des voix qu’ils ont obtenues en juin dernier est tout à fait convenable. La Fédération de la gauche s’est effondrée, mais pas eux. Quels que soient les efforts de Pierre Mauroy, secrétaire général adjoint de la SFIO après le départ de Guy Mollet, rien ne renaît. Pas un souffle, pas un espoir.
    Guy Mollet et François Mitterrand ont bien essayé de négocier ensemble la fusion du Parti socialiste avec la Convention des institutions républicaines. Mais les deux ont rivalisé dans l’élaboration de règles mathématiques tendant à fixer les critères de représentation des uns et des autres aux différentes instances de direction du futur mouvement fusionné. On m’a même parlé d’un dîner chez Georges Dayan, en décembre ou janvier dernier, qui s’est très mal passé et dont Guy Mollet est sorti en confiant à son fidèle Cazelles : « Je ne veux plus négocier quoi que ce soit avec Mitterrand. Je ne parlerai plus avec lui. »
    Claude Estier me fait régulièrement part – sans que je juge toujours utile de m’appesantir dans ce cahier sur ces problèmes d’arithmétique politique – des difficultés rencontrées dans ce processus de fusion. Il s’agit en réalité plus certainement d’une course de lenteur. « Le Parti socialiste ne cesse, dit-il, de nous créer des difficultés sur le nombre de membres issus de la Convention au comité directeur, au bureau, au congrès, dans les fédérations. » À moins que ce ne soit la couleur des cartes d’adhésion ou leur forme qui fassent problème. Ou plutôt l’homologation des nouveaux adhérents, dont leParti socialiste a peur, et que les conventionnels espèrent au contraire.
    Ce qui explique que, à certains moments de la discussion, les socialistes aient même envisagé, pour bloquer les nouvelles adhésions, de mettre une condition d’ancienneté pour l’accession à certaines responsabilités. Un comble, me dit Estier, pour un nouveau parti !
    Bref, la gauche non communiste, pendant ce référendum, est dans les choux.
    Le Parti communiste ne semble en revanche pas souffrir de complexes. Il a avalé et digéré Mai 1968. Plus surprenant, en tout cas plus nouveau, Waldeck Rochet a même écrit un livre. Celui-ci n’a pas été publié, comme d’habitude lorsqu’il s’agit du secrétaire général du PC, aux Éditions ouvrières ou sociales, mais chez un éditeur « bourgeois », Grasset. Pourquoi ? Waldeck Rochet l’a avoué lui-même l’autre jour sur Europe 1 : il a voulu atteindre des « milieux que les organisations du parti ne touchent pas directement ». Il y plaide en 200 pages que les voies de passage au socialisme sont multiples, qu’en France il serait préférable qu’elles restent pacifiques, et que l’obstacle n o  1 reste aujourd’hui le régime gaulliste que dominent les « monopoles » et où l’État « se propose pour seul objectif d’accroître les profits et la puissance de l’oligarchie capitaliste ».

    Tout se passe comme si le PC, qui n’a pas voulu en 1968 arracher le pouvoir aux gaullistes, était seul, aujourd’hui, à gauche, à vouloir vraiment l’abattre.

    Fin mars-avril
    Pas le temps d’écrire sur ce cahier. Je bats la campagne avec les uns et les autres. Il est évident que celui qui domine, c’est Alain Poher. Quand je dis « domine », je m’entends : je ne veux pas dire qu’il domine intellectuellement les autres combattants, je veux dire que son discours, mesuré, est le plus entendu. La tribune du Palais du Luxembourg lui est évidemment acquise. Mercredi dernier, 2 avril, il y a dénoncé « une erreur, une faute, une imprudence » ! Il refuse « en son âme et conscience » le projet référendaire et appelle les sénateurs à la mobilisation – assez drôle, parce que le nom de sénateur, dans mon esprit, est antinomique du terme « mobilisation » ! Il réunit autour des sénateurs de chaque région des auditoires impressionnantspour s’opposer à la dissolution du Sénat. Il se rend, comme il l’avait annoncé, dans quinze villes de France, de Nice à Étampes, de Lille à Nantes. Il traite beaucoup moins de la décentralisation, mais il se

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