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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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affirmé quelques minutes auparavant qu'il ne pensait plus !) ne peut nous abattre que si nous perdons la confiance en nous. »

    Tout à l'heure, lorsqu'il a dit : « Je leur souhaite bien du plaisir pour 1981  », je me suis dit : quel homme, il n'y a toujours pas renoncé ! Qu'il perde ou pas, le voici reparti pour trois ans !

    15 octobre
    Je reviens sur ma conversation de plusieurs heures avec François Mitterrand, puisque aujourd'hui je prends le train pour Nevers avec lui. J'y suis au moment où j'écris ces lignes. Il lit, commente le sondage, vraiment très compliqué, du Nouvel Obs , se réjouit de voir l'image du PS dans l'opinion publique (« Quel chemin, dit-il, et, en plus, dans une période épouvantable ! »), affecte de ne rien comprendre aux multiples hypothèses qu'évoque Jacques Julliard dans son éditorial 14 . Sourit en lisant un article de L'Aurore sur Roland Leroy, qui, hier, sur Antenne 2, a, selon le quotidien, « récité du Marchais » !
    Je reviens, pendant qu'il se replonge dans sa lecture de la presse, sur ce qu'il m'a dit avant-hier. Il m'a parlé de Jean-Pierre Chevènement pour lequel il continue d'avoir des sentiments bizarres, comme s'il lui en voulait d'être aussi brillant, aussi drôle... et aussi indépendant d'esprit, et comme s'il le reconnaissait en même temps comme un des hommes les plus proches de lui, culturellement et littérairement plus que politiquement.
    Bref, il paraît que Jean-Pierre Chevènement est venu, quelques jours seulement après la rupture avec les communistes, lui demander de convoquer sur le champ un congrès extraordinaire du PS. Mitterrand a refusé sans ménagements : « J'hésitais, lui a-t-il répondu. Mais, puisque vous me le demandez sur ce ton, je n'hésite plus : c'est non ! »
    Sur le choc du 23 septembre, il m'a dit – à un ou deux mots près, je le cite intégralement :
    « Le choc était certain, je ne l'imaginais peut-être pas ainsi à ce moment, mais j'étais sûr qu'il aurait lieu.
    – Alors, pourquoi avoir attendu, pourquoi ne pas avoir devancé les choses ?
    – J'estimais qu'il ne fallait pas faire un geste qui puisse me faire attribuer la responsabilité de la rupture. En me privant de satisfactions, je vous l'assure ! »
    Un temps d'arrêt ; visiblement, il regrette de ne pas s'être « fait » Marchais ! Puis il poursuit :
    « Nous n'étions pas responsables de la crise, nous ne devions pas en avoir la symbolique. Moi, disant en plein mois d'août : “Ça suffit !” ou quittant la réunion du sommet de la gauche en claquant la porte, comme l'a du reste fait Robert Fabre, j'aurais justement incarné cette symbolique... »

    Nous voici dans la Nièvre à une réunion des élus socialistes du conseil général. Il est 11 h 15 du matin. Je me demande à quoi il pense pendant qu'il écoute évoquer les problèmes de crédits qui manquent, d'inondations qui menacent. Il est à la fois absent et présent. Pense-t-il à la préface qu'il doit écrire pour un livre d'Eugène Sue, qu'un éditeur attend pour lundi et qu'il n'a pas terminée ? Pense-t-il aux communistes ? Pense-t-il à une femme ou à plusieurs ?
    On parle de subventions à la gendarmerie de La Charité-sur-Loire. Un conseiller général proteste : pas de subventions du conseil à une gendarmerie d'État. Mitterrand acquiesce : on refuse la subvention.
    Un moniteur d'enfants handicapés n'est plus payé par la Jeunesse et les Sports. Pour les routes nationales de la Nièvre, l'Équipement départemental n'a plus un sou. Sur quoi peut-on gagner 8 millions ? demande Mitterrand. Daniel Benoist 15 propose qu'on examine, subvention par subvention, où des économies peuvent être trouvées. S'ensuit un indescriptible brouhaha dans lequel je n'entends qu'une chose : c'est que Mitterrand trouve inutile la subvention à Jean Moulin (s'agit-il d'une école, d'un monument, d'un bâtiment ? je ne sais). En revanche, la maison de la culture aura bien son argent.
    Alors que je trouvais que cette séance durait trop longtemps à mon goût, un échange me ramène à la crise entre communistes et socialistes. Il s'agit de la composition de la commission départementale. Il y a trois partants. Qui, pour les remplacer ? Qui, d'abord, pour remplacer Guillaume ? demande Daniel Benoist.
    François Mitterrand : « Nous avons un engagement moral envers Bonnot, il me semble. »
    Un conseiller présent : « Politiquement, ce n'est pas

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