Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
chambre, la fameuse chambre n o  15 dans laquelle il loge à peu près toutes les fins de semaine depuis ce soir de novembre 1946 où il est devenu député de la Nièvre. Un petit hôtel de petite ville, sis 8, place Gudin, avec 23 petites chambres – la sienne fait 10 mètres carrés. À Château-Chinon, depuis plus de trente ans, François Mitterrand ne possède rien, sauf un étang, que je n'ai jamais vu, dont il fait volontiers le tour à pied, en vareuse et casquette. Le Vieux-Morvan est devenu, surtout depuis 1965, l'hôtel de la Nièvre et autres lieux le plus fréquenté des journalistes. Pour ma part, j'y suis venue quelquefois, mais je n'y ai encore jamais séjourné. Je ne le ferai pas encore ce soir, puisque nous regagnons Paris dans la nuit après une visite à Montsauche où nous allons partir dans quelques minutes.

    En voiture entre Château-Chinon et Montsauche (16-17 heures) , Mitterrand évoque le terrorisme en Allemagne 16 . Il me dit sa conviction que le terrorisme s'abattra un jour ou l'autre sur la France, comme il sévit déjà en Allemagne. Dans ce cas, évidemment, les problèmes qui se poseraient seront celui d'une police antiterroriste. « Hésiteriez-vous, vous, par exemple, me demande-t-il (en réalité, il se le demande à lui-même), à envisager la mise en place d'une police politique dont la tâche soit d'abattre les terroristes ? »
    Je comprends ce qu'il veut dire : le terrorisme repousse ou risque de repousser les frontières du droit, les frontières de nos convictions – y compris sur la peine de mort à laquelle il est hostile. Les grands principes judiciaires républicains résisteraient-ils à une montée incontrôlable des terrorismes ? Il n'a pas de réponse, mais se pose la question.
    Et nous revenons sur les communistes. Quand je pense qu'avant-hier il m'avait dit : « Ils sont chassés de mon esprit ! » Ce qui le ramène aux communistes, cette après-midi, ce sont les pins qui ont été replantés dans sa circonscription. Du coup, il pense à une revendication formulée par les communistes au cours d'une des dernières rencontres entre les deux partis, sur la nationalisation de la « Cellulose du Pin ». « Ce sont des jean-foutre ! explose-t-il. Ils voulaient nationaliser une entreprise de 23 ouvriers à Clermont-Ferrand, et pas Michelin ! »
    Il me dit aussi de quelle patience il a fait preuve tout au long de ces séances de travail où il a entendu parler de nationalisations, entreprise par entreprise. Manifestement, il en a plus qu'assez !
    Cela étant, il n'élude pas ma question sur la note que Michel Rocard lui a remise sur les nationalisations en décembre ou janvier dernier : « J'ai appris, répond-il avec le ton irrité qu'il a souvent lorsqu'il parle de Rocard, qu'il s'en prévalait, de cette note-là ! En réalité, il n'y avait rien de remarquable dans ce papier, sauf qu'il développait sa théorie, d'ailleurs inacceptable par les communistes, de la nationalisation des seules holdings ! »

    Plus tard (18 heures) . Cours d'autogestion après répartition des subventions aux maires des cantons de Montsauche. « Voilà, c'est la démocratie. Remarquez que nous sommes tous ici du même bord, mais s'il y avait parmi nous des maires RPR, et il y en aura sans doute un jour, les discussions se seraient passées de la même manière. »
    Façon de rendre hommage à la démocratie locale quand la démocratie nationale est moins consensuelle.

    22 h 30 . Quelques lignes encore en fin de journée. Qui dira (moi, peut-être) qu'au moment où la plupart des observateurs de la presse française imaginent Mitterrand en proie à de graves tourments, je l'ai entendu, moi, ce soir, raconter autour d'une grande table, à Montsauche, devant une douzaine de maires hilares, à moitié sourds et pour la plupart cacochymes (qu'il appelle comme Chirac « mes amis »), des histoires drôles sur le Morvan : une chasse au loup qui a mal tourné, l'aventure de la princesse Ayoubi dans la profondeur des forêts de la région, que sais-je ?
    Il éprouve un vrai bonheur devant cette assemblée, il rit en s'étouffant dans sa serviette, il tartine longuement son pain avec du pâté. Il est visiblement plus à l'aise avec ces maires qui ne sauraient peut-être épeler le mot « subvention » qu'avec tout le Ceres réuni !
    Il parle de lui aussi avec un humour que je ne lui connaissais pas sur lui-même. Il ironise sur les courants au sein du

Weitere Kostenlose Bücher