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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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louche. Le premier secrétaire demande aux siens de s'en mêler le moins possible, sauf par le biais d'une question orale qui sera discutée par les députés tout à l'heure.
    Si le « crime » profitait à quelqu'un, ce serait d'ailleurs à Giscard : histoire des diamants oubliée, hypothèque RPR levée.

    7 novembre (suite)
    Question orale du mercredi après-midi posée par les socialistes sur l'affaire Boulin. Fabius, qui prend chaque jour du galon, parle pour le groupe. Il commence par faire état de l'émotion qu'a suscitée la tragique disparition de Robert Boulin : « Émotion, enchaîne-t-il, mais perplexité... » Pourquoi ? Parce que le communiqué du ministre a été juridiquement inexact, peu convaincant, qu'il traduit à première vue un règlement de comptes majoritaire, mais n'est pas de nature à dissiper les interrogations.
    « Première question, martèle Fabius : êtes-vous réellement prêts à rechercher la vérité ? Deuxième question : après avoir été si prompts à mettre en cause la presse, allez-vous faire justice de ces allégations ?
    « D'une certaine façon, conclut-il, votre société se décompose. Mais, aujourd'hui, c'est à la démocratie que l'on porte tort ! »
    Raymond Barre se lève. Je le trouve grave, solennel, comme il sied sans doute à la situation. Aucune morgue dans ses propos. Aucun défi vis-à-vis de l'opposition. Il répond avec calme, sans animosité pour l'homme qui vient publiquement de poser ces questions dans le silence de l'Assemblée dont les gradins sont pourtant pleins à craquer. On sent – je sens –, lorsqu'il se lève lentement et fait face aux parlementaires, que toutes les phrases de cette courte intervention sont pesées au trébuchet. Je les note une fois de plus à toute allure :
    « Il n'y a pas d'affaire Boulin, dit-il, il y a une affaire Tournet-Groult 56 . L'affaire judiciaire était dans la main des autorités judiciaires. Le garde des Sceaux n'a pas manqué à son devoir, sinon il ne serait plus garde des Sceaux. Le gouvernement, assure-t-il avec force, ne fuit pas la vérité, et personnellement je ne la fuis pas, et elle apparaîtra conformément aux procédures d'un pays démocratique.
    « Et puis, vous faites état de calomnies qui s'attaquent à l'homme public dans sa dignité. Le gouvernement se détourne avec dégoût de ces manœuvres, d'où qu'elles viennent, et le gouvernement s'en tiendra le plus loin possible. Je n'ai jamais porté une attaque contre la presse : je laisse, dans toutes ces affaires, chaque homme, chaque journaliste en face de sa conscience. J'estime que la conscience existe encore, et que c'est la meilleure des barrières. »
    Son ton se fait plus dur, il me semble, quand il se tourne vers Laurent Fabius : « De temps en temps, un peu d'indulgence ne messiérait pas. Face à tout ce qui est marécages, le gouvernement est sûr d'adopter une attitude conforme à la dignité. »
    Il n'a répondu à rien. Il reste que Raymond Barre – qui a été lui aussi, il y a quelques mois, visé par une attaque sur son patrimoine immobilier, et qui l'a réfutée sans mal – a parlé avec une réelle autorité qui fait tomber la pression de l'Assemblée. On peut tout dire de cet homme, qu'il est méprisant, volontiers arrogant, que les leçons qu'il donne en permanence sont insupportables ; on ne peut cependant dire qu'il est malhonnête, ni qu'il fuit ses responsabilités. S'il nage, comme nous tous, dans la boue de cette affaire, il ne s'en sort pas si mal. Assez bien, en tout cas, pour que les députés passent à autre chose.

    8 novembre
    Je vais à la pêche aux informations chez Bernard Pons 57 . Dans son bureau, une grande photo de Georges Pompidou qui avait été un des premiers, suivi de beaucoup d'autres, à se découvrir une passion pour le Lot et ses environs, jusqu'à choisir Cajarc comme résidence secondaire.
    C'est Bernard Pons, donc, qui a été le premier à réagir à l'éditorial de Philippe Alexandre faisant état d'un complot RPR contre Robert Boulin. La plupart des parlementaires en partance pour les obsèques de Boulin n'ayant pas écouté la radio le matin, pas plus que Chirac, Bernard Pons se fait communiquer le script de Philippe Alexandre :
    « Je le lis, je vois que c'est diffamatoire, j'appelle quelques avocats lotois, je leur demande conseil et je rentre à Paris dès le dimanche soir. À 9 heures du matin, j'appelle Maurice Plantier qui nie avoir tenu les

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