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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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doit être une pilule amère à avaler.

    26 octobre
    De François Mitterrand, en déplacement à Marseille, je dirais, après avoir assisté au meeting qu'il a tenu, qu'il est aujourd'hui à moitié candidat. Pourquoi à moitié ? Il le sera si les fédérations socialistes (combien, je ne sais pas ?) le lui demandent le 8 novembre prochain.
    Autrement dit, il le sera.
    En quelques phrases, derrière la tribune où il s'apprête à parler, il commence par me confier que Michel Rocard ne l'a pas seulement déçu sur le fond, mais sur la forme. Bon prince – ou plutôt faux prince... –, il fait mine de comprendre : « Après tout, cela m'est assez arrivé, d'être mauvais, pour que je puisse ne pas m'étonner. Mais, sur le fond, ajoute-t-il, sur le fond, quoi ? Pas une fois le mot “gauche” dans la déclaration de Michel Rocard ! Pas une fois ! Comment accepter qu'un candidat de gauche ne dise pas qu'il est à gauche ? Ensuite, estime-t-il, sa déclaration était ambiguë : s'adresser à la fois à la fédération des Yvelines et au pays, c'est une erreur ! »
    Le moins qu'on puisse dire est que Mitterrand en a profité.
    Le meeting de Marseille, organisé par Defferre, lui a servi de mise en route.

    28 octobre
    Claude Estier me raconte hier, 27 , qu'en juillet dernier Rocard avait demandé à le voir. Ils se rencontrent au bar de l'hôtel Méridien à 7 h 45 du matin. Rocard lui tient alors à peu près ce langage : « Je n'arrive pas à parler à Mitterrand ni à ses amis. Sauf à toi. Que dois-je faire ? Je voudrais m'entendre avec vous, mais quel chemin emprunter ? »
    Claude Estier discute avec lui un moment de ses intentions, de celles de Mitterrand, tout en restant évidemment plus que prudent.
    Lorsqu'ils s'apprêtent à sortir du bar avec des airs de conspirateurs, le barman leur dit, au moment où ils font mine de payer : « Messieurs, la maison est heureuse de vous offrir ce petit déjeuner. »

    30 octobre
    À plusieurs reprises, pendant le déjeuner à l'Élysée auquel Giscard a convié tous les élus du Massif central, le Président, me raconte aujourd'hui Maurice Faure, a promis à ses interlocuteurs des crédits supplémentaires. Raymond Barre, dont il sollicite le regard et l'accord, ne dit mot.
    Trois, quatre fois, mêmes promesses et mêmes regards vers son Premier ministre. Puis, d'un coup, Barre se lève et prend la parole pour émettre quelques phrases :
    « Je suis ici entouré d'Auvergnats, dit-il. Les Auvergnats ont la réputation de ne pas dépenser plus qu'ils n'ont. Et même d'en garder pour eux. Je m'efforce de faire miens ces principes. Vous me comprendrez. »
    Puis il s'est rassis. Tête des élus, et tête de Giscard !

    3 novembre
    Vu Gilles Martinet hier à Bruxelles où je suis venue lui demander comment il voyait la suite du duel Rocard/Mitterrand. Je le trouve désappointé, sans ressort, et Dieu sait s'il en a, d'ordinaire !
    Michel Rocard va rester en piste, présenté par la fédération des Yvelines, pour ne pas se retirer tout de suite. Les deux hommes, selon lui, ont intérêt à ralentir le mouvement. « Mitterrand, on le sait, veut le freiner. Quant à Rocard, maintenant, il va vouloir attendre une redistribution du jeu. »
    Je sens que Martinet hésite à croire, pour sa part, que le jeu puisse être redistribué.
    Pour le coup, je ne comprends pas ce qu'il espérait et ce qu'espéraient sans doute les rocardiens avec lui. Que Mitterrand se dégonfle après l'annonce de Conflans ? Comment pouvaient-ils croire ça ? Ou alors il fallait être candidat devant les Français et couper l'herbe sous le pied à Mitterrand !

    4 novembre
    Mitterrand m'emmène à Soissons où il va parler d'énergies nouvelles. Dès que sa voiture démarre, il n'y va pas par quatre chemins. Je reviens sur le meeting de Marseille. Lui, tout de suite, parle de Michel Rocard. Passons sur son appréciation du personnage qui ne me surprend pas : « Vous en avez connu, vous en connaissez, des hommes politiques, me dit-il. Ne parlons pas de ses qualités, réelles. Mais enfin, il n'a rien ou pas grand-chose par rapport aux autres ! » Sur la stratégie, le jugement est pire : « Il a travaillé deux ans pour dégringoler en quelques minutes ! »
    Avant la déclaration de Conflans, Mitterrand me raconte – ce qui était passé inaperçu de la presse – qu'il a envoyé une lettre manuscrite à Rocard, dans les premiers jours d'octobre, juste après

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