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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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avoir défilé avec lui en signe de solidarité avec les victimes de la rue Copernic. Dans cette lettre qui n'était pas celle d'un enfant de chœur, Mitterrand disait à Rocard qu'il ne s'exprimerait pas, lui, avant le 19 octobre, date à laquelle il était attendu à Mulhouse, et il lui assurait que dans le discours qu'il prononcerait ce jour-là il n'y aurait pas le moindre mot sur son éventuelle candidature.
    « Je le lui ai écrit manuscrit, ça n'est pas rien ! Il aurait pu me croire au lieu de se précipiter ! »
    Et puis bureau exécutif du PS. Rocard et Mitterrand s'isolent dans la salle même du bureau, lorsque les autres sont partis. Rocard demande à Mitterrand quand et où il pourra l'appeler. « Au Vieux-Morvan, samedi, à l'heure du déjeuner », répond Mitterrand.
    Rocard lui laisse alors entendre qu'il fera acte de candidature. Il ne prononce pas le mot, mais enfin, m'assure Mitterrand, c'est bien cela que cela voulait dire.
    Lorsque, le samedi, Rocard appelle Mitterrand au Vieux-Morvan, il lui confirme la date, le lieu et l'heure de sa déclaration. Mitterrand se contente de lui répondre qu'ainsi qu'il le lui a dit, il parlera quelques heures auparavant à Mulhouse.

« Il a commis une gigantesque erreur, celle de croire que la campagne menée contre moi avait fini par m'abattre !... Bref, ajoute-t-il non sans perfidie, il a fait l'erreur de croire que j'étais comme lui ! »
    Une pause. Puis il enfonce le clou : « Une chose est certaine, désormais, c'est que Michel Rocard ne se présentera pas. Vous témoignerez dans vos Mémoires que je ne voulais pas être candidat, mais que, d'une certaine manière, Rocard m'y a forcé. »
    Il ne manque pas d'air ! Je prends un air sceptique.
    « S'il voulait être mon successeur légitime, insiste Mitterrand, il ne fallait pas sans arrêt jouer contre moi. À partir du moment où il avait dit à Metz qu'il ne se présenterait pas contre moi, il ne devait pas faire le tour de quelques petites fédérations pour me retirer des voix. J'ai fini par perdre confiance, il y avait de quoi ! »
    Je lui demande ce qu'il aurait fait, lui, à la place de Rocard.
    « J'aurais dit : je suis minoritaire au Parti socialiste, mais, malgré cela, je suis candidat. Que la loi de la majorité m'abatte... Et là, moi, j'étais bien embêté ! Je ne pouvais plus l'abattre sans me forger une image effroyable ! »
    Il enchaîne sur Pierre Mauroy : « Ah, et votre ami Mauroy ! Lui aussi, il aurait dû se tenir tranquille ! Au fond, ces gens me pressaient de me déclarer candidat pour obtenir précisément que je ne le sois pas. Seuls ceux qui ne voulaient pas que je sois candidat me pressaient d'en faire l'annonce ! »
    Il fait un geste de la main comme pour chasser son irritation : « Mais je n'ai rien contre lui. Il aurait pu faire un très bon candidat. Il n'est pas dit, d'ailleurs, qu'il ne finisse pas par l'être. Il n'a comme ennemi que lui-même ! »
    Tout de même, quelle histoire ! Il jubile à l'idée d'avoir pu coincer Rocard entre les Français et la fédération des Yvelines.
    « Vous remarquez, poursuit-il, on parle toujours de mon âge. Le vieillard infect, etc. Tout de même, j'ai encore une heure de lucidité par jour ! »
    Une fois de plus, je me rends compte que ce qu'il ne pardonne pas aux uns et aux autres, c'est d'avoir souligné son âge, de l'avoir jugé trop vieux pour continuer alors qu'il se sent, lui, si jeune ! Plus jeune qu'eux...
    Je lui dis qu'avoir « coincé » Rocard ne suffit pas et que je crains, pour lui, l'échec. Il me lâche un grognement qui veut dire : « Moi aussi ! »

    Assez parlé. Il prend son livre, celui qu'il vient d'écrire en collaboration avec Guy Claisse 50 , et le feuillette avec plaisir. Il se cite lui-même : « Un œuf, j'ai écrit un œuf : c'est vrai qu'il pond, Giscard ! » La partie qu'il préfère dans ce dernier ouvrage, c'est la politique étrangère. « Lisez-la avec soin, me conseille-t-il, je l'ai écrite avec soin. »
    Il a trouvé honnêtes, sans être complaisantes, les questions que lui a posées Guy Claisse. Il repose le livre et constate : « Un livre, ça se regarde, et puis après ça s'oublie complètement. » Il n'empêche qu'il le pèse, le soupèse, le trouve sobre, peste parce qu'il y a ici ou là quelques fautes d'impression non corrigées malgré les relectures.
    Puis il revient à son sujet : « Tout de même, être candidat en novembre,

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