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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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gouvernement, c'est Georges Marchais qui ne l'a pas voulu. Je voulais faire sortir les communistes du ghetto, et Marchais l'a empêché. Ce sera difficile, et pour les communistes et pour lui ! »
    Tout de même, envisager que les communistes fassent voter Giscard, c'est colossal ! Les propos de Mitterrand m'apportent néanmoins une réponse négative à la question que je me posais depuis quelque temps : pour qu'il envisage cette possibilité dans une conversation devant une partie de ses lieutenants – y compris ceux qui, comme Claude Estier, sont les plus proches des communistes –, c'est qu'aucun rapprochement ne s'est effectué en coulisse avec le PC, qu'il n'y a même pas de négociation clandestine avec lui.
    Il en revient à Jacques Chirac : il croit possible que Chirac prenne 4 % des voix à Giscard. Ce qui donnerait 19 à 20 % pour Chirac, pas davantage. Mais Giscard serait donc à moins de 30 %. Dans ce cas, tout est possible pour Mitterrand au deuxième tour.
    Mermaz lui expose que, pour le moment, les sondages montrent qu'il reste 12 % d'indécis. Que ces indécis sont, d'après les spécialistes, plutôt pour Giscard – 7 % pour Giscard, 5 % pour Mitterrand – et que rien n'est donc joué.
    « Tout de même, dit Mitterrand, enjoué, en un mois ce n'est pas si mal. »

    Fini pour la politique : Mitterrand se met à raconter avec délices comment Jean-César est entré dans sa vie. Jean-César est le factotum d'une quasi-centenaire, Mme Monnot, dont le mari est connu de Mitterrand pour avoir, je ne sais en quelle occasion, traversé le Yangzi Jiang à la nage. Mitterrand lui écrit, elle lui donne rendez-vous, il tombe dans une maison inouïe, figée au début du siècle, sur une femme à moitié morte qui lui raconte interminablement sa vie. Le lendemain, la brave dame se casse le fémur. Depuis qu'elle est à l'hôpital, Jean-César, abandonné par sa patronne, dite « Marraine », s'est raccroché à Mitterrand, son seul espoir. Il l'appelle deux fois par jour, il le suit, il demande à lui parler. Ce nouvel amour d'un type particulier le touche. Les hommes politiques aiment à séduire, mais tout de même, Jean-César... !

    27 février
    Vu Jean Serisé à l'Élysée. Il me dit se préoccuper davantage de l'image de Giscard que des thèmes de sa campagne. Son image « reste » bonne, m'assure-t-il, comme s'il craignait qu'elle ait été écornée par le septennat. « Si elle s'était détériorée, nous devrions le savoir. »
    L'enjeu, selon lui, est de faire apparaître que VGE est capable de sentir la nouveauté de la situation, qu'il n'est pas figé, qu'il peut se renouveler, aborder autrement le futur septennat. Il lui faut continuer à incarner la majesté – c'est son mot – présidentielle, mais, en même temps, il doit se montrer accessible, ouvert. Apparaître comme un candidat en même temps qu'un président.
    « Tout est dans le ton, dans sa façon de s'exprimer. Les thèmes de campagne importent peu ! La campagne, pour lui, ne va pas porter sur la taxe professionnelle, Valéry Giscard d'Estaing ne doit pas se battre sur ce terrain » – telle est la conclusion de Serisé.
    Il reste très optimiste ; à partir de maintenant, le combat, m'explique-t-il, va aller en se simplifiant : Mitterrand est un collectiviste et Giscard un libéral. Pour le reste, les programmes de campagne, cela se fabrique. VGE aura à lutter contre l'usure, le ras-le-bol, mais, pour le moment, personne, à l'Élysée, ne sent de vague de fond en faveur de François Mitterrand.
    Quant à la politique extérieure, à Varsovie et à la rencontre avec Brejnev qui lui a tant été reprochée, Serisé est convaincu que les choses n'iront pas très loin. La réponse est simple : la politique extérieure de Giscard est sinueuse, certes, il lui serait très facile de suivre une politique plus simple, mais il faudrait alors opter pour un bloc et renoncer totalement à notre indépendance. Ce que Giscard ne veut justement pas faire.
    « Non, continue-t-il, ce qui me tracasse, ce sont le chômage et les prix. Les choses, sur ce point, vont sans doute être beaucoup plus difficiles. Les Français nourrissent des sentiments contradictoires : ils se sentent heureux, plus heureux qu'ailleurs, et pourtant la montée du chômage obscurcit leur vision. »
    Il fait mine de ne pas être tracassé outre mesure par la candidature Chirac. À ses yeux, celui-ci cherche à faire le maximum de voix

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