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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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du Président se fera « ni trop tôt, ni trop tard. Elle obligera Mitterrand à sortir de sa tranchée. Le dialogue, dit-il, s'établira vite entre eux deux, marginalisant tous les autres. Ils seront en même temps au stand de tir ».
    Il me dit également qu'il n'y aura pas de directeur de campagne, hormis le Président lui-même. L'état-major se trouvera rue Marignan. Jean-François Deniau animera le secteur des études, des données et des argumentaires. Philippe Pontet aura en charge l'administration générale de la campagne, les réunions, les meetings. Monique Pelletier s'occupera des comités de soutien, Philippe Sauzay sera le directeur de cabinet du Président-candidat. Lecat, lui, en sera le porte-parole : il démissionne donc aujourd'hui de son poste à l'Élysée.

    4 mars
    Vu Jean Lecanuet à midi. Il s'interroge avec lucidité sur ce que Valéry Giscard d'Estaing va pouvoir dire sur le chômage, surtout sur le chômage des jeunes.
    Il m'explique la galaxie de l'UDF : « Les militants qui viennent du CDS et plus largement les démocrates-sociaux n'ont sociologiquement et structurellement que peu d'atomes crochus avec Giscard. Les plus giscardiens, naturellement, ce sont ceux qui ont tenté – et réussi – avec lui l'aventure de 1974. »
    Dans le discours qu'il devait faire à l'UDF à l'occasion du début de la campagne, Lecanuet avait prévu deux parties : Mitterrand ou l'incohérence, Chirac ou l'inconstance. L'Élysée lui a demandé d'ôter le passage sur Chirac en arguant : « Giscard aura besoin de ses voix au deuxième tour. » Lecanuet a obtempéré. Cela lui a beaucoup coûté, m'assure-t-il, car son combat contre Chirac est « son combat depuis trente ans » !
    De ce point de vue, sa stratégie a été désavouée. Il a perdu. Cela ne l'émeut pas outre mesure. Il est le président de l'UDF, certes, et il sera toujours correct avec Giscard. Pourtant il ne l'aime pas. Au surplus, lorsque, comme lui, on a mis le général de Gaulle en ballottage seize ans auparavant, on considère qu'on a son avenir derrière soi. Et on se fiche un peu de l'avenir des autres.

    Le hasard fait qu'après Lecanuet, je croise Jean-Pierre Soisson. Il se plaint d'être en défaveur à l'Élysée. Pourquoi ? Parce qu'il a recommandé à Giscard de « gommer » Chirac. Moins on souligne son existence, mieux cela vaut, soutient-il.
    L'un, Lecanuet, voulait attaquer Chirac bille en tête : il a été empêché de le faire. L'autre, Soisson, veut au contraire l'ignorer : ses propos déplaisent. J'ai du mal à comprendre, derrière ce double refus, la stratégie qui va être celle de Giscard.

    Jacques Chirac a parlé aujourd'hui sur France Inter, pour la première fois, de la « défaite possible » de Giscard. Hors antenne, il a dit à Joseph Paletou 10 , qui me le rapporte presque instantanément au téléphone : « Je ne vais pas pleurer si Giscard perd et si je gagne ! » La formule, colportée à travers les rédactions, fait un foin du tonnerre.
    Chirac m'appelle longuement, en fin d'après-midi. Il tente d'éteindre le feu : « Il faut être tordu, me dit-il, pour interpréter les choses hors de leur contexte ! »
    Il n'empêche : ce qui est dit est dit. Jean-Marie Poirier, avec qui je dîne, me confie que, malheureusement, Giscard écoutait l'émission de Chirac au moment où celui-ci a envisagé sa défaite. Encore n'a-t-il pas entendu la conversation qui a suivi hors antenne ! Giscard a tout de même été furibard : il a immédiatement convoqué Jean-Marie Poirier et envisagé avec lui une éventuelle riposte. Il a fini par prendre la décision de ne pas ouvrir de polémique avec Jacques Chirac.
    Anecdote : le Président lui-même a demandé à Jean-Marie Poirier qui, resté porte-parole de la Présidence, ne sera pas celui du candidat Giscard (c'est Jean-Philippe Lecat qui tiendra ce rôle), de ne plus parler en son nom. Il lui reprochait de bafouiller lors d'un de ses comptes rendus à la presse, ou je ne sais quoi d'autre. « Ou alors, lui a dit Giscard, prenez des cours de diction. Avec Jacques Toja, par exemple 11  ! »
    C'est ce que Giscard a fait lui-même, pendant son septennat.

    6 mars
    Vu Michel Debré hier soir. Pas du tout déboussolé, pas du tout inquiet. Au contraire, il a tout à l'heure redonné du cœur au ventre à ses (maigres) troupes.
    Bien grand caractère pour une bien petite espérance...

    Aujourd'hui, longue conversation avec André

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