Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
ses déplacements. Effectivement, il y a de quoi : dîners dégueulasses alors qu'il préférerait se rassasier d'un sandwich tranquillement dans sa voiture. Arrêts n'importe où sans qu'il ait le temps d'aller se laver les mains. Nous évoquons la campagne de 1965 où il avait autour de lui une vingtaine de personnes seulement, et 100 millions de francs à dépenser. La multiplication des responsables l'irrite au plus haut point. Je prends conscience une fois de plus de ce que j'avais oublié depuis les dix ans qu'il est à la tête du PS : Mitterrand n'est pas, ne sera jamais un homme de parti. L'idée d'être accueilli par un secrétaire fédéral ou des cadres socialistes qu'il ne connaît pas toujours l'ennuie profondément.
    Puis, au beau milieu d'une phrase, il me demande à brûle-pourpoint : « Comment faites-vous pour ne pas être un robot ? Enfin, lorsque vous aviez 10 ans, 15 ans, 20 ans, vous aviez des sentiments, vous pensiez quelque chose. Et maintenant, où êtes-vous passée ? On ne peut quand même pas se confondre à ce point avec un métier ! »
    Après quelques secondes de stupeur, je comprends que c'est à lui qu'il pose la question. C'est si vrai qu'il ne marque pas de temps d'arrêt avant d'enchaîner : « Si je suis battu, je suis battu par les communistes. Ce ne sera pas parce que c'est moi. Au contraire, personne mieux que moi ne leur aura résisté ! Être battu à la fois par la droite et les communistes, avouez que ce serait original 16  ! »
    Il ne pense qu'à l'échec, finalement ! Même s'il me dit qu'il se sent beaucoup moins fatigué aujourd'hui qu'en 1956, par exemple, où il avait alors trouvé très rude la campagne des législatives 17 .
    « Peut-être en aviez-vous marre, de la IV e  République ? »
    La réponse qu'il me fait m'étonne : « Non, c'est que j'avais traversé deux ans de fureur noire à voir Mendès France gâcher toutes ses chances ! Deux ans de formidable colère intérieure ! Peut-être ma fatigue était-elle psychosomatique... »
    Il éructe contre tous les conseils qu'on lui prodigue. Les uns lui disent de ne jamais parler d'histoire : il refuse, bien sûr, de leur obéir. Les autres d'en parler, au contraire. Il me montre, en retournant ses poches, un petit tas de notes différentes qu'il ne lit même pas.

    D'histoire il parlera au cours de sa réunion publique d'Amiens où il commence par évoquer la Révolution française et les conquêtes de la Liberté. Il parle longuement, trop longuement : une heure et quart. Son discours n'est pas très bien ficelé, il est même plutôt bâclé, dirais-je, trop vague, avec des hymnes aux prolétaires datant du xix e  siècle. Mais, en cours de meeting, il se ressaisit et place son couplet sur Giscard et le désordre : « J'entends le président de la République parler de désordre ; alors je réponds : le désordre, il est déjà là ! » Et parle des communistes : « J'ai vu avec tristesse la façon dont le PC a gâché l'espérance populaire, mais je ne vis pas sur des rancœurs, des rancunes... »

    30 mars
    Sondage publié demain par le quotidien Sud-Ouest 18  : 29 % des Français estiment que François Mitterrand est le mieux placé pour réduire le chômage, contre 14 % pour Georges Marchais et 12 % seulement pour Giscard. Mais les choses se compliquent pour Mitterrand : 49 % des électeurs français proposent, pour lutter contre le chômage, de « favoriser la présence de la femme à la maison, par exemple avec un salaire ». Ce sont les ouvriers qui y sont le plus favorables (59 %), ainsi que les partisans de Valéry Giscard d'Estaing (54 %) et de Georges Marchais (50 %), mais 45 % seulement parmi les électeurs de Mitterrand.
    La femme à la maison : nouveau thème de campagne moderne ?

    Même jour
    Jacques Chirac au déjeuner de la presse présidentielle. Au moment où il commence à s'adresser à nous, je note son extrême mauvaise humeur. On me dit qu'un autre sondage n'y est pas étranger : sa cote serait toujours en dessous des 20 %. Il a sans doute l'impression que les chiffres ne correspondent pas à l'ampleur du soutien qu'il recueille en France au cours de ses déplacements. Du coup il s'irrite, car il imagine que les sondeurs sont aux ordres de Giscard. Il lui arrive de penser que les journalistes aussi, d'ailleurs. Aujourd'hui, c'est un jour sans . Je note, en marge, les confidences que me fait René Andrieu, l'éditorialiste de

Weitere Kostenlose Bücher