Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
ont compris l'importance de mon plan : calculé, méthodique, vérifiable ».
Il annonce qu'il parlera par la suite de la vie des banlieues, du logement, de l'accession des jeunes à la propriété. Et qu'il parlera aussi d'économie – après avoir abordé aujourd'hui le travail – mercredi après-midi.
Un face-à-face télévisé avec Chirac ? C'est non. « Je ne dirai rien qui puisse compromettre l'unité de la majorité, pour offrir aux Français le spectacle d'un Président discutant avec le Premier ministre qu'il a nommé. »
6 avril
Mitterrand rend public son plan pour le plein-emploi : six mesures dont réduction du travail à 35 heures, création de 150 000 emplois dans le secteur public, réduction des charges sociales des entreprises de main-d'œuvre, exonération de l'impôt sur le revenu des bas salaires, impôt sur la fortune, exonération de la TVA sur les biens de première nécessité. Tel est le « Ce que je ferai » de François Mitterrand. L'interview qu'il donne à L'Express dans la foulée reprend ces propositions.
7 avril
Est-ce un tournant dans la campagne ? Au « Club de la presse », hier ou avant-hier (les choses vont vite : entre mes éditoriaux et ces carnets, je n'ai guère de temps), Georges Marchais m'a paru plus ouvert, si j'ose dire, vis-à-vis de François Mitterrand. Bien sûr, il a mis en cause la cohérence du programme économique du candidat socialiste, mais, en fait, il a proposé un scénario politique et de réformes de première nécessité qui ressemble à celui de Mitterrand. En cas de victoire de celui-ci, je suis convaincue que les propositions de Marchais peuvent éventuellement servir de base à un accord entre socialistes et communistes.
Je suis incapable de dire ce qui, en coulisse, s'est passé entre PC et PS ; en revanche, il me semble déceler non pas peut-être un rapprochement, mais une inflexion. La suite dira si j'ai raison.
8 avril
Nouvelle conférence de presse de Giscard. Il veut montrer qu'il voit les choses de haut, qu'il laisse à d'autres les polémiques, qu'il fait appel à l'intelligence des Français, non pas à leurs sentiments. Qu'il vit dans le concret tandis que ses adversaires, eux, rêvent.
Comment être candidat quand on est déjà Président ? C'est toute la difficulté pour Giscard. Que diable ne l'a-t-il fait auparavant ? se disent sans doute les Français quand il propose un nouveau plan, un nouvel emprunt de 15 milliards de francs, comme il le fait aujourd'hui, de nouveaux crédits d'action conjoncturelle, ou encore une incitation fiscale à l'investissement et à la recherche. « Le Premier ministre, conclut-il, donnera toutes les explications techniques nécessaires. » D'un coup, plus vite qu'il ne l'aurait voulu, le candidat est redevenu Président. Or il n'est pas sûr que l'appel à Raymond Barre le fasse progresser dans l'électorat.
Plus tard, à Saint-Denis, en plein fief communiste, Giscard ironise sur le plan Mitterrand visant le plein-emploi : « C'est le jeu des 35 erreurs, ce plan ! »
9 avril
Il est cinq heures de l'après-midi. Me voici à Provins où Giscard tient meeting. J'ai tenu à voir de près si son appel à l'intelligence et à la raison, au moment où Mitterrand et Chirac jouent de l'émotion, était compris.
Pour commencer le spectacle, un film plutôt bon de Frédéric Rossif sur la campagne. À noter qu'aucune image de Raymond Barre n'y figure ! Et que Chirac y est au moins autant pris à partie que Mitterrand ou Marchais.
La salle est assez exiguë, mais bien remplie à cette heure de l'après-midi peu propice aux débats politiques. Alain Peyrefitte, maire de Provins, organisateur de la journée, introduit la réunion par une plaisanterie facile : « La rose de Provins, dit-il, est sans épines. On ne saurait le dire de toutes les roses ! » Allusion, bien sûr, à la rose socialiste de Mitterrand. Ministre de la Justice, gaulliste, Peyrefitte, depuis longtemps, a choisi le camp de Giscard après de multiples tentatives pour remettre Chirac dans la voie du « bon choix ». Son soutien, aujourd'hui, est important pour Giscard ; d'ailleurs, Peyrefitte ne le lui monnaie pas chichement : évocation de la visite de De Gaulle à Provins en 1965, alors que Giscard était déjà ministre du Général ; assurance donnée que « l'héritage gaulliste a été maintenu, et au prix de quels efforts ! ». « La crise internationale, ce serait votre faute !
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