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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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président du Sénat : Pierre Desgraupes n'est récusé par personne, pas plus que Jean-Noël Jeanneney. Bertrand Labrusse est dès le départ favori pour la société de production nationale, la SFP. Les grands noms de la télévision sont évoqués par chacun de nous : Pierre Badel, Jacques Chancel, Igor Barrère, Jean Kerchbron, Serge Moati, Claude Santelli, Maurice Cazeneuve.
    Bref, je craignais le pire, c'est-à-dire, dès le départ, une impossibilité de se mettre d'accord, une paralysie, voire l'éclatement, au premier feu, de la Haute Autorité. Je vois maintenant que nous arriverons sans difficulté à nous mettre d'accord.
    Reste l'interrogation, capitale en matière de direction de la télévision : hommes (femmes) de programmes ou gestionnaires ? De manière évidente, les deux sont nécessaires à la tête des sociétés. L'idéal serait un tandem, un « ticket » formé d'un président et d'un directeur général, l'un connaisseur en matière de programmes, l'autre sachant manier les chiffres. Hélas, on sait ce qu'il advient des « tickets » ! À peine nommés, le plus souvent, président et directeur général n'ont de cesse de se combattre, chacun estimant qu'il a une légitimité supérieure à l'autre. Nous décidons, renonçant au « ticket », de choisir des présidents ayant des profils différents. Libre à eux de choisir, une fois désignés, leur équipe.

    20 septembre
    Dernière séance 15 ce matin : le vote.
    Tout s'est bien passé. Pas de clash entre nous : de manière surprenante, c'était notre première épreuve, et l'épreuve n'en a pas été une. Presque unanimement, à la place de Jacques Boutet 16 qui avait été nommé l'année précédente à la présidence de TF1 et qui ne s'y sentait pas à l'aise, nous nous sommes mis d'accord sur Michel May, socialiste, néanmoins candidat favori de Jean Autin qui l'avait connu à TDF. Gabriel de Broglie s'est rangé dans le camp des partisans de Jean-Noël Jeanneney pour Radio France : responsable d'émissions historiques à l'INA lorsque de Broglie en était le président, fils d'un grand ministre du général de Gaulle, ils s'étaient bien entendus. Pour Antenne 2, pas de problème, la volonté de garder Desgraupes a été unanime. Restait FR3 : son président actuel, le journaliste Guy Thomas, s'est fait beaucoup d'ennemis en peu de temps, a négocié n'importe comment sur sa chaîne la convention collective, tout en conservant les faveurs du gouvernement. Plusieurs conflits nous ont en outre opposés l'année dernière, dont l'un portait sur les radios de FR3. Bref, exit Guy Thomas, même si nous savons que Georges Fillioud en sera furieux.
    À sa place, je ne sais qui a proposé en premier le nom d'André Holleaux, conseiller d'État lui aussi, ce qui rassure de Broglie et Autin. André Holleaux est un homme délicieux qui a dirigé la commission des fréquences sur les radios privées, créée l'an dernier, sans doute chrétien de gauche, plutôt écolo, volontiers régionaliste, qui ne roule qu'à vélo. Je le connais à peine ; le portrait qu'on m'en fait est séduisant pour le poste. Va pour Holleaux !
    Nous avons voté selon un système compliqué 17 qui arrive à quelques résultats simples : nous avons auditionné neuf candidats, nous nous sommes mis d'accord sur quatre, que nous avons donc nommés. Une exception : celle de Daniel Karlin, qui n'a pas pris part au vote parce que la majorité d'entre nous a récusé les réalisateurs communistes qu'il proposait.

    21 septembre
    Vu Mitterrand hier, en fin d'après-midi, après le vote. Je ne vais pas chez Mitterrand pour solliciter son avis et ses recommandations, simplement pour lui communiquer les choix de la Haute Autorité. Si je compare cela avec ce qui se passe dans l'audiovisuel depuis 1958, c'est déjà un progrès considérable ! La démarche me semble compatible avec ma déontologie : nous avons délibéré, désigné ; les nominations ne sont pas encore publiques. Je me suis demandée si je sortais de mon statut en allant voir le Président avant qu'elles le soient. Peut-être est-ce limite. J'avoue qu'en entrant chez lui, je me suis dit : et s'il n'est pas d'accord, qu'est-ce que je fais ?
    Cela n'a pas été le cas. Il me laisse faire, confiant. Pourvu que ça marche : c'est l'autre face de la liberté. Si cela ne marche pas, si nos choix ne sont pas les bons, c'est sur nous et surtout sur moi que cela va retomber.
    Nous n'avons parlé de

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