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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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d'œil, il a compris que j'éprouvais quelque difficulté à marcher. « Ce n'est rien, lui ai-je dit, un simple lumbago qui se termine. »
    Son visage est devenu très sérieux : « Un lumbago, m'a-t-il dit, vous êtes sûre ? Souvent, on croit que c'est un mal de dos sans importance, et puis c'est autre chose. Moi, c'est ce qui m'est arrivé à l'automne dernier. J'ai cru que c'était un lumbago, et puis, finalement, c'était beaucoup plus grave.
    – Et maintenant, lui ai-je demandé à mon tour, comment ça va ?
    – Maintenant c'est fini, mais je sais ce que c'est d'avoir mal au dos. Savez-vous que, quelquefois, il m'était même pénible de monter dans une voiture ? D'autant que j'étais obligé de ne pas montrer la moindre gêne devant les photographes. »
    Il m'emmène, sans plus s'appesantir sur le sujet, et sans plus d'ailleurs se soucier de mes difficultés à marcher, faire une longue promenade dans la forêt, en laissant sur la terrasse de la maison Danielle et sa sœur, Roger Hanin, Jack et Monique Lang.
    Il est soucieux d'une seule chose : de ne pas nommer à la Haute Autorité quelqu'un qui le « trahisse ». Il a compris qu'il fallait un rempart entre l'État et l'audiovisuel public – ce que recommandait la commission Moinot en 1981 10  :
    « Je ne veux ni ne peux, me dit-il, me mêler de la marche quotidienne de l'audiovisuel. Je ne veux – ce sont ses termes – ni éclabousser, ni être éclaboussé ! »
    Il ne demande pas, insiste-t-il, d'homme ou de femme lige. Mais quelqu'un qui le « protège » (il répète ce mot plusieurs fois). « Je veux que la fonction présidentielle ne soit pas atteinte. Votre déontologie, me demande-t-il, vous empêche-t-elle de tenir ce rôle ?
    – Non, lui dis-je. Depuis vingt ans que nous nous connaissons, soyez sûr que je ne rechercherais pas volontairement le conflit avec vous. Je ne ferais rien pour les créer, évidemment, mais je pense que j'aurais sans doute des conflits sur des points mineurs avec le gouvernement ou avec vous. Il me semble que c'est la règle du jeu. En revanche, il peut m'arriver d'être un jour en désaccord grave avec vous, et, dans ce cas, je démissionnerais... »
    Il acquiesce. Le sort en est jeté. Sauf que je ne sais pas lequel.

    18 août
    Vu Georges Fillioud. Réflexions (avec lui) sur le secret dont aime à s'entourer Mitterrand. Il me cite en exemple ce déjeuner récent (qui a eu lieu où ? peu importe !) dont l'objet était la désignation du président de la Haute Autorité, où Mitterrand avait convié Louis Mermaz, Gaston Defferre, Pierre Mauroy et lui-même. Pendant la discussion à bâtons rompus, Mitterrand ne cite pas un nom, n'évoque personne. Il parle en général des choix à opérer, des réformes à faire. Puis, d'une phrase, il donne congé au Premier ministre, à Defferre et à Mermaz. « Excusez-moi, dit-il, il faut que vous nous laissiez : je vais parler d'audiovisuel avec Georges Fillioud. Je vous verrai vendredi à Latche. »
    Resté seul avec Fillioud, il évoque quelques noms (Fillioud ne me dit pas lesquels) sans dire son propre choix, mais il ajoute : « Il ne m'a toujours pas dit quels candidats Alain Poher avait désignés ! »

    Revenue dans ma maison de vacances, c'est dimanche, il est 20 heures et je suis à la cuisine lorsque la nouvelle tombe : je suis donc nommée présidente de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. J'ai beau ne pas être tout à fait prise au dépourvu, il reste que Mitterrand n'a pas cherché à me joindre après notre rencontre à Latche et que j'avais fini par penser qu'il avait choisi quelqu'un d'autre.
    Le téléphone a sonné presque immédiatement, pendant le journal. C'était Mitterrand. Après un premier cafouillage – un enfant a décroché le téléphone et raccroché d'émotion en entendant que le président de la République était au bout du fil –, il me dit qu'il me souhaite bonne chance. Quelques instants après, c'est au tour de Rousselet : il était, lui, dans la confidence depuis quelques jours.
    Bon, il est temps de rentrer à Paris.

    30 août. Écrit dans la nuit
    Aujourd'hui, cérémonie – il n'y a pas d'autre mot – d'installation de la Haute Autorité. La scène s'est passée dans le studio 103 de la Maison de la Radio. Radio France m'a habituée à prononcer des discours officiels. Aujourd'hui, je n'en menais pas large, car les circonstances étaient bien différentes : contrairement

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