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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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au protocole, paraît-il, qui veut que le président de la République intervienne toujours en dernier, il a voulu que je parle après lui.
    J'ai un peu la tête qui tourne si je fais le compte de tout ce qui m'est arrivé depuis la fin août. Me voici accollée à huit personnes dont je ne connais qu'une ou deux (Marc Paillet et Paul Guimard) ; j'en ai aperçu deux autres au cours de ma vie professionnelle (Gabriel de Broglie et Jean Autin), et il en reste quatre autres que je n'ai jamais croisées.
    En dehors du discours que j'ai voulu bref et que j'ai vraiment beaucoup « chiadé », la seule chose qui m'ait posé problème c'est la robe que je devais mettre dans une telle circonstance. J'ai choisi audacieusement la robe rouge et noire que je portais pour l'inauguration de Radio France Berry.
    Je ne vais pas reproduire ici le discours que j'ai prononcé. Mitterrand, lui, a mis l'accent sur la concertation qui a précédé le vote de la loi (commission Moinot, etc.), il a désigné la Haute Autorité comme la « clef de voûte » du nouveau dispositif audiovisuel. Il a insisté sur le fait qu'aucun président avant lui n'avait voulu que des compétences élargies soient confiées à une commission indépendante du pouvoir. Sur le pluralisme, aussi, dont nous sommes désormais les garants.
    Moi, en réponse à Mitterrand, j'ai insisté sur la séparation par consentement mutuel entre l'État et l'audiovisuel. Je n'écris ici que la seule phrase dont je sois vraiment contente : « Nous vivrons séparés sans nous perdre de vue, sans complaisance mais en bonne harmonie, sans indulgence mais sans agressivité. »
    Les mots traduisent exactement ma pensée – et ma volonté. Je ne serai pas provocatrice, je ne vois pas pourquoi je le serais : ce n'est pas tellement dans mon tempérament. Mais je ne serai pas non plus complaisante. Enfin, j'espère...

    3 septembre
    La création de la Haute Autorité 11 mériterait d'être racontée en détail :
    – mon entrevue avec Mitterrand, le 14 août, à Latche. Sur cela, j'ai déjà écrit quelques lignes, insuffisantes mais qui ont néanmoins le mérite d'exister ;
    – les complications de dernière heure pour la nomination des membres qui la composent. Jacques Boutet était prévu parmi les nominations du président de la République. Conseiller d'État, il a refusé de siéger à un conseil dont la présidente n'était que journaliste. Édouard Balladur était sur la liste proposée par le président du Sénat ; il s'est récusé lui aussi, mais pour d'autres raisons : l'impossibilité de tout cumul financier entre ses différents postes. Tout cela débouchant sur la nomination, à la place de Jacques Boutet, de l'ambassadeur Stéphane Hessel que le directeur de cabinet de Georges Fillioud a joint au Sofitel de Lyon, alors qu'il partait en vacances, et sur celle de Gabriel de Broglie par Alain Poher, en remplacement d'Édouard Balladur.

    12 septembre
    La Haute Autorité, à peine née, a son lot de partisans et d'adversaires. Je n'entends, on ne me rapporte que les voix de ses adversaires. Je dois bien avoir quelque part des partisans !
    Georges Fillioud pense que j'ai fait une grosse bêtise, que je n'aurais pas dû accepter ce poste où, dit-il, je finirai par prendre des coups.

    16 septembre
    Qui, quel chercheur, quel fouineur, racontera l'histoire de la Haute Autorité ? Faite de hasards et de nécessités, d'amitiés et de rencontres. De conflits aussi, hélas !
    Conflits avec l'administration, jalouse de ses prérogatives, qui veut rogner les ailes de cette instance de régulation – c'est comme cela que ça s'appelle – naissante.
    Conflits avec les petits types des cabinets ministériels, avides d'audiovisuel, navrés de ne pas en être.
    Conflits immédiats, quoique ouatés, avec Georges Fillioud, pour des questions de domaines de compétence. Nous avions beau nous y attendre l'un et l'autre, les premiers contacts entre ses collaborateurs et les miens sont plus rudes que nous ne le pensions.
    Conflit, donc, avec la terre entière, sauf avec Pierre Mauroy et François Mitterrand.
    Le plus grave est cependant le conflit qui m'oppose d'emblée aux communistes. Pierre Juquin, toujours lui, exige la nomination de Michel Cardoze à Radio France, et du réalisateur communiste Maurice Failevic à la présidence de TF1. Au téléphone, il me menace de tous les maux : il parle de rompre la solidarité gouvernementale, quelques mois,

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