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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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tout, pourquoi pas ?

    Lang saisit la Haute Autorité sur les rapports entre cinéma et télévision. La lettre qu'il m'envoie est d'une extraordinaire brusquerie. Inouïe dans la forme, désobligeante sur le fond. Il se sent investi de la confiance aveugle de Mitterrand. Il en profite. Je n'aime pas les hommes de cour. Et je n'aime pas qu'on aime les hommes de cour.

    26 janvier, suite
    Moment rare avec Mitterrand. Bonne mine, et pas « so yellow » du tout ! Le Monde a révélé hier que Jack Lang avait saisi la Haute Autorité en la morigénant en quelque sorte. Mon sang n'a fait qu'un tour : puisque Lang pense qu'il peut tout faire au nom de Mitterrand, c'est auprès de Mitterrand qu'il m'a semblé utile de contre-attaquer.
    Je dis donc à Mitterrand, après des préliminaires écourtés : « Je voulais vous parler des rapports entre cinéma et télévision, mais je ne pensais pas que les choses prendraient un tour aussi grave. Et que votre ministre de la Culture me flinguerait sans me prévenir... »
    Mitterrand décroche aussitôt son téléphone et appelle Lang. Il lui fait, devant moi, reproche d'avoir saisi la Haute Autorité sans en parler à Mauroy.
    J'entends Lang rétorquer qu'il a prévenu Jérôme Clément à son cabinet.
    « Quand un ministre saisit la Haute Autorité, insiste Mitterrand, il doit prévenir le gouvernement, donc le Premier ministre. »
    J'entends Mitterrand continuer : « Comment cela, pas une saisine ? Mais c'est comme cela que Le Monde l'interprète, et la Haute Autorité aussi ! Donc, c'est un problème de gouvernement. Je vous le répète, vous deviez prévenir Mauroy ! » Il conclut : « Non, non, c'est très malencontreux. Je trouve que c'est une erreur. Merci beaucoup de la rectifier. »
    Il raccroche. Nous parlons. À peine lui ai-je dit que les cahiers des charges sont bien difficiles à appliquer pour les chaînes de télévision, que des contraintes excessives dans le domaine du cinéma iraient à l'encontre du but recherché, il reprend son téléphone et appelle Mauroy sur l'interministériel. Celui-ci a tout fait, depuis une semaine, pour arbitrer en notre sens. Et il est donc vrai que Jack Lang a essayé de le contourner, persuadé qu'il aurait l'aval de Mitterrand.
    « Il faudra que vous receviez Michèle Cotta, lui dit-il, pour cet arbitrage. Il ne faut pas céder à Jack Lang. J'aime beaucoup le cinéma, mais enfin, les téléspectateurs sont rois ! Bon, voyez-la ce soir ou demain. Vous verrez : elle est tout à fait impartiale sur ce problème. »
    Mauroy ne lui dit pas qu'il m'a déjà reçue plusieurs fois, avec d'autres membres de la Haute Autorité, sur ledit problème. Et que Lang lui a fait une petite entourloupe.

    17 février
    Plus de quinze jours sans écrire (une grippe monumentale, du boulot qui s'est accumulé).
    Revu Mitterrand hier à l'Élysée à l'occasion de la Légion d'honneur remise à notre vieil ami Ernest Cazelles 1 . Il plaisante, naturellement, sur mes relations avec Paul Guimard, présent lui aussi : comme il le fait souvent, il feint de croire qu'à l'intérieur de la Haute Autorité, nous avons tous deux noué des rapports extraprofessionnels. Nous le savons depuis longtemps : les cancans, les « qui baise qui », les « qui va être avec qui », tout cela le distrait beaucoup. Il adore interroger, sans en avoir l'air, les uns et les autres sur leur vie privée, même s'il sait faire la part des choses.
    Voilà que Paul Guimard et moi en sommes la cible. Une cible amusée et qui joue le jeu.
    « Alors, nous dit-il, vous allez vous marier ? Dès que vous serez débarrassés de vos partenaires actuels, ça y est, vous m'inviterez à la noce... »
    Nous ne prenons pas la peine de démentir, cela ne servirait à rien et gâcherait sans doute son plaisir.
    Ensuite seulement nous parlons du récipiendaire honoré aujourd'hui : Ernest Cazelles 2 . Comme Mitterrand s'étonne de me voir ici, invitée de Cazelles à cette petite cérémonie, je lui rappelle que j'ai continué à voir ce dernier de loin en loin depuis des années. Je lui demande s'il sait que, en mémoire de Guy Mollet, Cazelles poursuit toujours Pierre Mauroy de la même haine depuis le congrès d'Épinay de 1971, c'est-à-dire depuis douze ans.
    Il rit : « Oui, me dit-il. C'est d'ailleurs assez injuste. Moi, j'étais l'adversaire de Guy Mollet : c'était honorable. Mauroy, c'est le traître : celui qui m'a choisi contre l'avis de Mollet. Il

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