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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l'heure, il me paraît plutôt soulagé. Cela ne durera peut-être pas.
    À Matignon, donc, on fait les paquets dans la plus grande morosité. Je croise Michel Delebarre, directeur de cabinet. Une seule phrase : « Je suis écœuré », me dit-il.

    21 mars (suite)
    Évidemment, il faudrait disposer de l'autre version, celle de François Mitterrand, que j'aurai peut-être un jour. D'ailleurs, il est hors de question que je rapporte quoi que ce soit, dans un bref avenir, de cette conversation avec Mauroy. « Ne dis pas à Mitterrand que je t'ai parlé ! » m'a-t-il recommandé à la fin de notre déjeuner.
    En tout cas, à peine l'ai-je quitté que je lui envoie un petit mot de réconfort. Sans lui, après tout, je ne serais pas là où je suis, puisque c'est sur son contingent – il me l'a rappelé tout à l'heure – que j'ai été désignée présidente de Radio France en 1981.
    Et puis je m'aperçois qu'il me rassurait : je savais que, tant qu'il serait en charge du gouvernement, il n'y aurait pas de guerre civile. Non que je m'y attende aujourd'hui. Mais lui, en tout cas, était véritablement l'image de la France tranquille.
    J'ajoute que voilà maintenant deux ans que je m'occupe d'audiovisuel. Je pourrais témoigner que Pierre Mauroy n'a pas une seule fois tenté d'intervenir dans le contenu des journaux. Je sais, parce qu'il me l'a dit, qu'au congrès de Valence il a trouvé inepte et malsaine l'atmosphère de coupage de têtes qui était de mise chez les militants et certains dirigeants.
    Toujours est-il que Mauroy va partir. Était-ce cela le « prochain tournant » dont nous avait parlé Mitterrand ? En tout cas, c'en est un !
    Je m'interroge sur le prochain Premier ministre : Bérégovoy, plein de qualités, mais incroyablement vaniteux ? Après la cour de Mitterrand, la basse-cour de Bérégovoy ?

    22 mars
    Et tout cela pour déboucher sur quoi ? Sur Mauroy, Premier ministre !
    Que s'est-il passé depuis notre déjeuner d'hier ? Ce matin encore, Michel Delebarre m'envoyait un petit mot pour me remercier d'avoir déjeuné avec Pierre Mauroy et de l'avoir réconforté.
    Et puis, à 19 heures, tombe une dépêche qui me laisse bouche bée, stupéfaite, interloquée : « M. Mitterrand a accepté la démission du gouvernement et a chargé M. Mauroy de former le futur gouvernement. »
    Le premier réflexe de surprise passé, je me dis que, pour Mauroy, le départ de Matignon aurait tout de même constitué un risque d'éloignement de la vie politique. Car il reste encore cinq ans avant la future présidentielle.
    Même si Mauroy voulait prendre la tête du Parti socialiste, le conquérir de haute lutte après son départ de Matignon, il lui aurait fallu tenir compte du Premier ministre en exercice, qu'il se fût appelé Delors, Rocard ou Bérégovoy. Je ne vois pas comment un de ces trois-là aurait laissé le champ libre à un ex-Premier.
    En vertu de la formule : « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », ou de cette autre : « On sait ce qu'on perd, on ne sait ce qu'on aura », Mauroy doit penser aujourd'hui, une fois l'émotion passée, qu'il valait mieux rester. Après tout, il n'est pas si usé, et tout lui reste possible. Y compris de tirer, quand il le voudra, son épingle du jeu.
    Reste à savoir si Mitterrand a vraiment hésité autant que Mauroy l'a ressenti, ou s'il a simplement voulu tester sa force de résistance. Ce serait bien dans le personnage de Mitterrand, cela, de voir jusqu'où l'autre peut aller !
    Ce qui donnerait sens à ce que m'a dit tout à l'heure Paul Guimard, beaucoup plus familier que moi de Mitterrand et que je soupçonne – c'est même plus qu'un soupçon – d'avoir gardé un fil direct avec l'Élysée : lorsque je lui ai dit, entre deux réunions de la Haute Autorité : « Mauroy, c'est fini ! », il m'a répondu à 17 heures, donc deux heures avant le communiqué, que rien n'était moins sûr. Il savait donc, de la bouche du cheval, si j'ose dire, que la partie n'était pas terminée.
    Le gouvernement Mauroy III est-il de la même sorte que le gouvernement Messmer III à la fin de l'ère Pompidou ? Le maintien de Mauroy ne s'explique-t-il que parce qu'au dernier moment, Mitterrand a eu peur du vide ?

    Après la dépêche de l'AFP, soirée complète avec la 7 e  symphonie de Mahler, et Lorin Maazel qui vient de diriger l'orchestre de Radio France.

    24 mars
    Maazel encore, à déjeuner.
    Lorin Maazel – que Lang

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