Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
télévision !
9 septembre
Reçu, à la Haute Autorité, Edmond Maire à déjeuner. Le charme d'Edmond Maire ? J'y suis assez indifférente. Plus il affirme parler vrai, moins je le crois efficace. À l'entendre, il est réformateur, prêt à lutter pour des rapports sincères et positifs entre syndicats et pouvoir. Sur le terrain, ses troupes sont autrement moins réformistes !
Georges Marchais juge utile, à propos du Boeing de la Korean Air lines abattu la semaine dernière par les Soviétiques, de monter au créneau pour défendre l'Union soviétique. Inutile et inopérant.
Étrange phénomène que celui, en tous temps, de la collaboration et des collaborateurs : ils en font toujours plus qu'on ne leur en demande.
8 octobre
Haute Autorité : le forum permanent. Ça fatigue, mais j'aime.
J'aime les gens, aussi. Leur diversité. Leurs cultures différentes. L'un écrit sur les orléanistes, l'autre sur Haussmann. L'un est un romancier, l'autre un ex-militant communiste qui écrit, avec un alterego, bouquin sur bouquin. L'ex-ambassadeur de France exerce sa diplomatie auprès des dirigeants – si on peut les appeler comme cela – des radios libres.
Au milieu de tout cela, Corinne Fabre garde un maquillage impeccable et un art consommé des relations avec l'Administration, haute et moins haute.
Le droit de l'audiovisuel n'existe pas, nous avons à le définir sans arrêt. Franchement, le journalisme ne me manque pas du tout ! J'ai l'impression de faire un reportage quotidien sur la Haute Autorité...
19 octobre
Dîner avec Alain Duhamel et Catherine Nay chez Mauroy. Optimisme complet, que ne mettent pas à mal les chiffres, catastrophiques pour la CGT et la CFDT, des élections à la Sécurité sociale.
L'inflation, en revanche, s'apaise : elle est sur la voie des 7 %.
Le chômage ? ça va mieux qu'avant. Le commerce extérieur : les indices sont bons.
Bref, tout va bien : selon Pierre Mauroy, « l'augmentation des impôts n'est plus un problème. Les Français rechignent un peu, mais c'est fini : économiquement, ce n'est plus un problème ! ».
Restent... justement les Français ! « Ça passera », nous dit-il.
Le lendemain 20, dîner avec Jean Riboud. Les prévisions qu'il fait, lui dont le Président n'a pas voulu suivre les recommandations en mars dernier (la sortie du serpent), sont catastrophiques. Rien ne va. Les Français ne le supporteront pas, dit-il, ils réagiront. Et ce, avant 1986. Contre Mitterrand, d'abord.
Il parle très fort dans un restaurant bourgeois près de Beaubourg, Chez Benoît, je crois, tandis que les voisins, qui l'ont reconnu, et, à côté de lui, André Rousselet, suivent la conversation. J'espère qu'ils n'écoutent pas avec l'attention nécessaire pour céder au désespoir.
28 octobre
Congrès du Parti socialiste à Bourg-en-Bresse. C'est Mitterrand qui en a choisi le lieu. Pouvoir présidentiel, pouvoir du Parti socialiste, pourtant secoué par l'actualité, pouvoir de la Cour...
10 novembre
De ce combat incessant, minute après minute, comment sortirai-je ? Rien dans les mains, rien dans les poches : me voici, moi et la Haute Autorité, au milieu du maelström de la communication.
Georges Fillioud défend son territoire contre la Haute Autorité. Normal. Je pensais, nous pensions que nous pourrions éviter le combat. Je m'épuise tandis qu'il déploie contre moi la force (négative) du gouvernement. On aurait dû me dire qu'il fallait que la Haute Autorité échoue, que, surtout, pour que ma cote monte chez les socialistes, il me fallait imposer leur loi à l'audiovisuel français. Comment ai-je pu être aussi naïve après en avoir tant vu ? Je les connaissais pourtant, ces hommes politiques !
J'aurais dû savoir que personne – y compris parfois ceux qui l'ont mise au point, l'ont proposée aux parlementaires, l'ont fait voter –, non, personne ne croyait à cette loi, et que j'étais priée de ne pas y croire moi non plus.
De ces petits coups bas où chacun – la Culture, la Communication, la Haute Autorité – se livre à de misérables petites joutes, je suis écœurée. Quand Fillioud demande par la bande, en les convoquant l'un après l'autre, aux présidents des sociétés de télévision de se prononcer contre le rapport que nous venons de faire sur la télévision publique, la fureur m'étouffe. J'ai raison : l'esprit de la loi est tourné, tout cela me dégoûte.
Ou alors c'est la bagarre. S'ils la
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