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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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veulent, on la fera ! Mais comment, avec qui ? Où sont nos alliés ? Mitterrand m'en veut pour mon refus de me séparer de Desgraupes, Mauroy n'ose pas s'en mêler, et d'ailleurs, le voudrait-il que Mitterrand ne lui dit pas tout !
    Pot de fer contre pot de terre. Ils m'auront à l'usure.
    Je prends mon téléphone pour dire à Fillioud ce que j'ai sur le cœur.

    13 novembre
    Dîner, ce soir, avec lui. Je lui suis reconnaissante d'être venu chez moi malgré notre conversation téléphonique apocalyptique de l'autre jour. Comme toujours, dès que nous nous parlons sans intermédiaire, le courant passe.
    Mais pourquoi déclenche-t-il des combats inutiles comme celui sur les « espaces libres 10  » ? Ne comprend-il pas qu'il n'a rien à y gagner, que seule la Haute Autorité peut être l'arbitre de la télévision institutionnelle ? Si notre instance a été créée, c'est précisément pour éviter que le ministre de la Communication se mêle des équilibres politiques, opération dans laquelle il est forcément suspect !
    Comment éviter au gouvernement les erreurs qu'il s'acharne à commettre ?

    14 novembre
    Simone de Beauvoir à dîner chez moi. Tête de momie, mais étonnamment jeune, avec des yeux si clairs, comme éclairés du dedans. Turban gris, chemise en soie grise, veste rose et grise sur un pantalon de flanelle. Lorsqu'elle marche, alors seulement son âge – 75 ans – apparaît. Autrement, c'est une vieille petite fille formidable.
    Nous ne parlons de rien, parce que nous sommes trop nombreux. Mais elle est là. Et nous toutes – Catherine Clément, Benoîte Groult, Françoise Verny et moi –, nous ne serions pas ce que nous sommes si elle n'avait pas été là avec Les Mandarins , L'Invitée et surtout avec Le Deuxième Sexe .

    20 novembre
    Anniversaire de ma fille. Douze ans de bonheur. Savais-je, au moment où, à peine âgée de quelques heures, elle s'accrochait à moi de ses petits doigts parfaits, savais-je que nous nous aimerions à ce point ? Savais-je que notre vie, nos joies, nos bonheurs, nos peines aussi seraient ainsi inextricablement mêlés ?

    Michel Delebarre et Jérôme Clément, mardi ou mercredi dernier.
    Ils arrivent en retard chez moi : François Mitterrand a déjà commencé à parler à la télévision.
    « Je t'en prie, me dit Michel Delebarre, tu ne peux pas arrêter cela, ça va, je connais ! »
    Je baisse le son.
    « Non, arrête carrément ! » soupire Delebarre.
    Voilà qui en dit long, en tout cas, sur les rapports entre l'entourage de l'Élysée et celui de Matignon.
    Nous parlons de la démission de Georges Valbon 11 des Charbonnages de France. « Nous avons frôlé la crise », me disent-ils.
    J'interroge :
    « Comment cela, la crise ? Si les communistes quittent le gouvernement, ce n'est quand même pas la faute de Mauroy !
    – Peut-être, me répondent-ils, mais il ne resterait pas une heure Premier ministre sans eux ! Il démissionnera plutôt cinq minutes avant leur départ ! »
    C'est clair : Mauroy, qu'il envisage ou non de succéder à Mitterrand, a définitivement misé sur l'union de la gauche. Il ne démordra pas de cette politique, même si Mitterrand en change !
    Entre deux plats, Delebarre me parle de Charles Fiterman. Après un énième Conseil des ministres au cours duquel le Président a parlé des missiles, Charles Fiterman lui dit, sans doute pour que ce soit répété : « Qu'est-ce qu'il a, Mitterrand, à me parler sans arrêt des missiles ? Il ne croit tout de même pas que nous allons quitter le gouvernement pour ça ! » Fiterman a ajouté, mi-figue mi-raisin : « On est très anticommuniste, ces temps-ci, à l'Élysée... »
    Voilà pourquoi, dans ce climat devenu difficile entre l'Élysée et le PC, n'importe quel court-circuit peut déclencher un incendie ravageur.
    Autre phrase de Fiterman : « Il sortira tout nu de Matignon, le camarade Mauroy, s'il reste jusqu'en juin prochain ! »
    Je comprends maintenant comment Pierre Mauroy s'est lancé à corps perdu dans la loi sur la presse : c'est pour donner un gage, ou à tout le moins faire un signe aux communistes qui la réclament, et aux socialistes qui l'attendent.
    Ultime clin d'œil de Mauroy, donc, dont on sait depuis le printemps dernier que ses jours à Matignon sont comptés : s'il n'en reste qu'un, dans quelques mois, à se revendiquer de l'union de la gauche, ce sera lui.
    Pendant ce temps-là, les premiers euro-missiles

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