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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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France Internationale, il eût été effectivement normal de parler avec le ministre de la désignation de son directeur. J'avais donc nommé Hervé Bourges sans solliciter d'avis, et d'autant plus que je savais le PS favorable à un autre candidat !
    Au lendemain de cette désignation, Mitterrand m'a appelée. Il m'a reproché, pas vraiment content, mais pas non plus aussi violent qu'il peut l'être, d'avoir procédé à une nomination qui relevait en partie du ministère des Affaires étrangères, donc du gouvernement.
    « Et puis vous allez voir, a-t-il conclu. Bourges, avec son passé, c'est un chrétien, un tenant de la deuxième gauche, je vous souhaite bien du plaisir ! »
    Je me rappelle avoir répondu à Mitterrand : « Lorsque vous le connaîtrez, vous changerez d'avis ; c'est un type qui vous plaira ! »
    Cela a d'ailleurs été le cas : dès le mois de janvier ou de février, Mitterrand l'a invité à le suivre en Afrique noire à l'occasion d'un voyage officiel. Depuis lors, il n'est pas un déplacement en Afrique ou au Moyen-Orient où il ne lui demande de participer au cortège présidentiel. « Vous aviez raison, m'a dit Mitterrand quelques jours après son premier voyage avec Bourges, c'est vraiment un homme hors du commun ! » Il a même ri en évoquant le côté « roi nègre » de Bourges, partout à l'aise, et parfois encore plus que lui, en Afrique noire.
    Je reviens sur cette affaire parce qu'elle reflète l'extrême vérité des choses telles qu'elles se sont passées.
    ... Je reprends donc mon récit de ce début de juillet. Michel May a d'abord repris sa démission, puis démissionné pour de bon après des heures et des heures de conversations téléphoniques, le plus souvent nocturnes, avec moi, où il se disait alternativement incapable de diriger un bazar comme TF1 et désireux d'y rester. Je ne sous-estime pas, dans cet abandon, les pressions politiques qui ont dû s'exercer sur lui pour qu'il jette l'éponge.
    « À qui pensez-vous pour remplacer May ? » m'a alors demandé Mitterrand.
    Je lui ai dit : « À Hervé Bourges.
    – Bonne idée », m'a-t-il répondu.
    Je connais bien les défauts d'Hervé, mais aussi ses qualités de meneur d'équipe. Il est devenu, en cette période, un ami très proche : nous dînons généralement le dimanche soir dans un des restaurants algériens qu'il connaît, où il est d'ailleurs reçu comme un roi en déplacement avec sa cour. Il sera difficile de l'imposer à Gabriel de Broglie et à Jean Autin, fortement hostiles à son côté « porteur de valises du FLN », à son engagement auprès de Ben Bella au début de l'indépendance algérienne, ainsi qu'à son « tiers-mondisme ».
    Mais je suis sûre d'une chose : c'est que le soutien affiché de l'Élysée à Bourges est le meilleur moyen de compliquer les choses. En tentant de l'imposer, au lieu de me laisser jouer, Mitterrand me rend la tâche infiniement plus difficile ! Paul Guimard aussi, qui passe pour le plus proche de Mitterrand parmi nous, et qui fait montre d'une impatience fébrile à procéder à la nomination de Bourges. « C'est la dernière fois, me dit-il, qu'on fait ce qu'Il (Dieu) veut ! »
    Mais cela me gêne précisément dans mon plaidoyer en faveur de Bourges, qui, avant d'être le candidat de Mitterrand, est tout de même le mien ! Libre, je l'aurais fait, ce plaidoyer, de façon autrement convaincante. Là, lorsque je parle d'Hervé Bourges à la minorité de la Haute Autorité qui lui est hostile, voyant à leurs regards qu'ils ne croient pas un mot de ce que je leur raconte, qu'ils m'estiment instrumentalisée par l'Élysée, je me freine moi-même.
    Je sais que le côté « fellagha mégalo » de Bourges est un cliché largement abusif : Hervé Bourges est beaucoup moins mégalo, beaucoup moins engagé, bien plus ambigu – après tout, il a appartenu au cabinet d'un ministre gaulliste – que ne le craignent de Broglie et Autin.
    Bref, suivent des séances atroces où, à tout moment, tout a failli exploser entre nous. La Haute Autorité surtout, à laquelle j'ai la faiblesse de croire.
    Mitterrand, pour montrer que c'est lui qui gagne, est prêt à prendre tous les risques, ou plus exactement à me les faire prendre !
    Pour couronner le tout, pendant que nous sommes en train de délibérer dans la salle de réunion de la Haute Autorité, ce 14 juillet, et tandis que certains, réticents ou hostiles à Hervé Bourges, proposent

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