Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
ambiguïté, sa façon de dire : « Faites ce que vous voulez », au lieu de dire clairement les choses et d’abattre ses cartes. Quitte à tout faire, après coup, pour se prouver qu’il avait raison de ne pas vouloir untel ou untel à tel ou tel poste !
Je remarque que dans l’analyse que font les uns et les autres de la chute de popularité du PS – et du président de la République –,personne ne dit jamais ou n’ose même penser : « C’est parce que nous nous sommes trompés de politique. »
De fait, à entendre Pierre Bérégovoy annoncer qu’il met sur le marché 2,5 % des actions d’Elf Aquitaine, je me demande ce qui sépare le Bérégovoy d’aujourd’hui du Balladur d’hier, celui de la « cohabitation ». Sauf, peut-être, la conviction avec laquelle Balladur défendait le « capitalisme populaire », et la résignation de Bérégovoy à l’idée d’ouvrir le capital d’une société publique...
11 mars
Sondage fourni par Philippe Marchand au déjeuner d’hier résultant des (sondages RG et autres) :
PC : 8,9 %
PS : 21 %
RPR : 36 %
Écolos Lalonde : 6 %
Écolos Waechter : 7 %
Front national : 12 %
Dans ce cas, évidemment, le Front national pourrait être considéré comme en baisse, ou en très sérieuse stagnation. Et le PS, dont nous signalions tous l’effondrement, résisterait mieux que prévu.
De Pierre Mauroy que j’ai eu dans la journée au téléphone, ce nouveau principe d’Archimède : « Tout pouvoir plongé dans la durée subit une poussée proportionnelle au temps passé dans l’exercice du gouvernement. »
De Pierre Sudreau 15 , au téléphone également : « Je ne reconnais pas Mitterrand, depuis un an. »
Simulations éclairantes du Figaro :
Le maintien du scrutin uninominal majoritaire se traduirait, aux législatives, par un raz de marée RPR-UDF : 387 députés sur 555 en métropole.
Un système mixte donnerait la majorité absolue, plus 66 sièges au RPR-UDF.
La proportionnelle intégrale, seule, empêcherait l’UDF-RPR de disposer d’une majorité.
Dans ce cas, avec ses 54 élus, le Front national deviendrait le troisième groupe de l’Assemblée nationale.
12 mars
Nouveau dîner du Siècle avec cette question posée par toute la table en début de repas : quand Édith Cresson abandonnera-t-elle Matignon ?
La majorité des convives présents pense que Mitterrand ne voudra pas changer de Premier ministre dans la foulée des régionales. Leur argument : le Président ne cesse de dire qu’il s’agit d’élections locales ; difficile, pour lui, d’en tirer la conclusion qu’il faut renouveler l’équipe gouvernementale.
Ce n’est pas l’avis d’Hubert Védrine. Son argument : le calendrier pousse à un changement rapide, car les législatives sont pour demain.
Le calendrier s’annonce en effet chargé : le Président a saisi le Conseil constitutionnel de la ratification du traité de Maastricht : doit-on ou non réformer la Constitution avant de solliciter l’avis des Français ou des parlementaires sur l’accord ?
Il aura la réponse début avril. Après quoi, il faut qu’il sache s’il veut faire adopter le traité par les Français, donc procéder à un référendum, ou par la voie parlementaire, c’est-à-dire en réunissant le Congrès.
Au Congrès qui, peut-être, refuserait de le voter ? Quelle sera, en effet, l’attitude des membres du RPR ? Seront-ils tentés de s’abstenir, ou même de manifester leur hostilité, ne serait-ce qu’en se réfugiant derrière les idées du Général sur l’Europe ? Certains ont l’air de douter qu’une majorité constitutionnelle des 3/5 puisse se dégager au Congrès.
Donc, référendum. Quand cela ? Avant l’été ? Pas forcément, selon Védrine ; on peut aussi l’organiser un peu plus tard dans l’année, par exemple à l’automne.
Et puis il y a aussi cette histoire de changement de mode de scrutin pour les législatives. On n’y comprend rien, chacun des dirigeants socialistes y allant de sa proposition. Peut-on concevoir qu’un tel changement se fasse en quelques jours, voire en quelques heures, à la sauvette ? Cela paraît impossible.
Nous revenons au début de notre conversation : à quand le changement de gouvernement ?
En septembre, il sera bien tard.
« À moins, conclut Jacques Rigaud 16 , que Mitterrand ne change pas de Premier ministre jusqu’en 1993 ! »
Nous voilà retournés à la
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