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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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qu’il veut rester « local », ne pas reprendre l’étiquette nationale : « J’ai déjà beaucoup donné ! » dit-il.
    Je reviens sur ses relations avec Mitterrand. Il raconte qu’il s’est opposé à lui, comme premier secrétaire, à deux reprises.
    Une fois, mineure, à propos du budget Champagne-Ardennes, quand il a demandé que les socialistes ne le votent pas, mais s’abstiennent. Il entendait faire ainsi la preuve que la droite ne pouvait faire passer son budget sans les voix de Le Pen. Mitterrand pensait le contraire. Jospin a été mis en minorité au sein du bureau politique.
    Deuxième opposition un peu plus grave : dans le cas de Christian Nucci et du Carrefour du développement 14 , il a demandé que la justice suive son cours.
    De façon générale, s’exprimant sur les « affaires » qui émaillent la vie politique de la gauche, il est plus que remonté contre tous ceux qui ont profité de leurs fonctions pour s’assurer un enrichissement personnel. Il cite le cas de Jean-Michel Boucheron :
    « Chaque fois, depuis 1988, dit-il, j’ai été combattu par Pierre Mauroy. Sous le prétexte que la justice n’avait pas encore tranché, il jugeait impossible que le Parti prenne l’initiative de se séparer de qui que ce soit. Tout cela nous a amenés là où nous en sommes », soupire-t-il.
    Dans la liste, que je soupçonne d’être plus longue qu’il ne le dit, de ses conflits petits ou grands avec Mitterrand, il n’a rien dit, ce soir, de la colère exprimée par lui, Jospin, lorsque Mitterrand a refusé de nommer Claude Allègre secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur au moment de la constitution du gouvernement Cresson.
    27 février
    Rentrée à la maison, après avoir résumé pour ne rien en perdre – ou pour en perdre le moins possible – les propos de Lionel Jospin, je me suis plongée une petite heure dans ce livre qui provoqua l’irritation de François Mitterrand. Je n’y trouve pas – ou peut-être ai-je lu trop vite – la phrase incriminée : « Mitterrand a fait le Parti socialiste autant que le Parti socialiste l’a fait. » J’y trouve en revanche d’autres jugements allant dans ce sens, du genre : « Cet homme, François Mitterrand, s’il s’est servi du Parti socialiste, l’a servi tout autant. » Je me demande si Mitterrand n’a pas été choqué par une dimension de ce livre : le « nous » y apparaît sans cesse (« nous » avons rebâti une organisation nationale, « nous » avons imposé dans les rues et sur les murs notre sigle, le poing et la rose), de sorte que l’aventuredu pouvoir ne se limite pas à sa conquête par François Mitterrand, de 1965 à 1981, mais s’étend à l’action de toute la génération qui y a contribué.
    Les pages sur les « affaires », dans le livre de Jospin, sont au moins aussi intéressantes, car elles émanent d’un dirigeant socialiste que personne n’a jamais soupçonné de manquer de rigueur, à un moment où nul, à gauche, n’ose en analyser les causes. Elles sont au nombre de trois, selon lui : le coût croissant des campagnes électorales, publicité politique comprise : là est la « cause essentielle, voire exclusive, du recours à des modes de financement venant par exemple des entreprises. La deuxième raison tient aux effets néfastes de la décentralisation, qui rend plus fréquentes les tentations auxquelles sont soumis les élus. La troisième, enfin, vise la responsabilité plus particulière des socialistes, qui, au pouvoir, ont agi de la même façon que ceux qui les y avaient précédés.
    Je comprends mieux l’attitude sévère de Lionel Jospin face à l’idée que le Parti socialiste ait tant de mal à condamner, en son sein, les brebis galeuses : « J’avais préconisé, écrit-il, beaucoup plus de sévérité, et une claire prise de distances vis-à-vis des défaillances personnelles. Je n’ai pas été suivi, les arguments de la solidarité ayant été apparemment les plus forts. »
    3 mars
    Déjeuner avec Georges Fillioud, hier. Il a vu Mitterrand cette semaine. Ensemble ils se sont interrogés sur les raisons de la chute du PS. Conclusion commune : « C’est le congrès de Rennes qui a été catastrophique. »
    Fillioud pense comme moi – et comme Jospin – que tout a commencé en 1988. Il sait que c’est Mitterrand qui a commis l’erreur capitale en n’empêchant pas Pierre Mauroy de foncer à la place de Fabius. C’est son

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