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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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lui dis, mais, après tout, je l’ai moi-même observé : entre Mitterrand et certains vieux de la vieille de la IV e  République, il y a effectivement une ancienne complicité, comme avec Edgar Faure par exemple. De là à ce que cette complicité aille jusqu’à le Pen... Je n’en sais rien.
    6. Chirac poursuit sa démonstration en constatant que je note fébrilement tout ce qu’il me dit. Je ne l’ai pas vu, en effet, en tête à tête ou avec d’autres journalistes depuis quelques semaines. J’en profite pour faire le point de ce qu’il pense, et lui aussi. Est-il possible – je lui pose la question – d’imaginer que Mitterrand quitte le pouvoir en 1993, s’il s’applique le référendum à lui-même, ou en 1995 s’il ne le fait pas, en ayant favorisé la création d’un groupe de 100 députés Front national à l’Assemblée nationale ?
    Réponse : « Mais il s’en fout ! Il s’en fout complètement ! »
    À propos, il est persuadé que Mitterrand ne partira pas en 1993, même s’il a fait voté le quinquennat dans l’intervalle. « Tu parles ! Il ne fera pas grâce de dix minutes de pouvoir ! »
    7. Question sur le parti unique RPR-UDF. Commentaire : « C’est la torpille sous la ligne de flottaison ! Je crois que, maintenant, l’idée en est enterrée. » Traduction facile : il n’a jamais voulu, lui, d’une fusion entre les deux mouvements, qui n’aurait pu se faire qu’à son détriment. Il ne pouvait pas la refuser quand l’UDF le demandait. Lentement mais sûrement, il a tordu le cou au projet, dont il apparaît finalement que personne n’en veut autour de lui : ni Pasqua, ni Pandraud, ni Juppé, ni Toubon notamment.
    8. Prenant en compte l’attitude critique qui est la sienne sur le traité de Maastricht et l’orientation qu’il donnera à l’Europe, je lui demande s’il n’envisage pas d’éventuels regroupements gauche/droite des antimaastrichiens. Non, il n’y croit pas du tout : aucune volonté d’ouverture vers la gauche quelle qu’elle soit, sur aucune idée, sur aucun projet, aucun désir de gagner, hors du pré carré, ceux quihésitent ou désespèrent de la gauche. Il ne croit pas que ce soit possible, il ne croit même pas que ce soit envisageable un seul instant.
    C’est sa limite, à n’en pas douter. J’ai la faiblesse de croire que c’est ce qui lui manque. Aucun changement, donc, dans ses idées : le RPR seul est et restera le moteur de son aventure politique.
    Son comportement, en revanche, a beaucoup changé. Il me paraît plus serein, moins nerveux. Pourquoi le serait-il ? Les échéances essentielles ne sont pas pour demain.
    Il faut le voir, immense, pataud, dans la cour de l’Hôtel de Ville, allant enlever la « petite laine » qu’il avait mise sous sa chemise parce qu’il avait eu très froid la veille. Sympathique, faussement enjoué, serrant des mains. Là aussi, il n’a pas changé.
    Dans la voiture qui nous a amenés à Aulnay, sa fille Claude l’a appelé. Elle est déjà sur place, dans la salle, comptant les gens, lui conseillant de ne pas arriver trop tôt, d’attendre un peu pour que la foule soit plus dense. Rapports inédits avec cette jeune femme qui, physiquement, lui ressemble tant, et qui lui consacre sa vie. Impression qu’il ne peut se passer d’elle, que l’idée d’aller à un meeting sans qu’elle ait vérifié que tout était prêt lui est insupportable. Il lui parle comme il le ferait à une fidèle collaboratrice, sans allusion personnelle, sans inflexion de voix particulière. Il lui suffit qu’elle soit présente.
    Je pense aussi, quoiqu’il n’en parle jamais, à son autre fille, Laurence. A-t-il d’autant plus besoin de l’une qu’il a des craintes pour l’autre ?
     
    Je continue d’écrire cependant qu’avant le meeting je fais honneur – Chirac aussi – aux merveilleux sandwiches cornichons-pâté préparés par les militants. Je le trouve tout de même, Chirac, presque aussi remonté contre le Front national que contre les socialistes. Il reste ferme avec les présidents de conseils régionaux qui seraient tentés, à l’occasion, de faire un petit bout de chemin avec le FN. Il me dit qu’il leur a envoyé une note pour éviter des grenouillages, leur disant expressément de ne rien faire qui puisse faire élire un membre du Front national. Les consignes sont claires : se maintenir partout où on le peut ; se retirer sans désistement ailleurs. Et cela,

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