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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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réussit une percée chez les électeurs du centre. C’est aux autres, au « peuple de gauche », donc, que François Mitterrand s’est adressé hier pour leur dire que la barre des trois millions de chômeurs ne serait pas franchie, que l’Europe de Maastricht n’était pas encore, à son avis, assez « sociale », mais qu’elle le deviendrait. Il donne également raison, au passage, à la ministre du Travail, Martine Aubry, dans le conflit qui l’oppose au patron de Peugeot, Jacques Calvet.
    Mitterrand a recouvré, cela s’entend à sa voix, un certain optimisme. Pourquoi ? Parce que l’accord, grosso modo , entre la majorité et l’opposition sur la ratification du traité de Maastricht empêche – ou remet à plus tard – tout accrochage, toute polémique de politique intérieure. D’autant qu’il est resté assez flou sur la perspective d’un éventuel référendum constitutionnel à l’automne.
    C’est donc avec une sérénité retrouvée qu’il a ironisé sur son propre départ : en février 1995, peut-être, au lieu de mai 1995 ; pas avant !
    4 mai
    Dîner avec Jean-Pierre Chevènement, hier soir. Drôle, détendu après son intervention à « 7 sur 7 ». Toujours cette distance avec Mitterrand : longue complicité et désaccord absolu. Avec lui, son ami Didier Motchane, qui vient d’écrire un livre sur la politique extérieure de Mitterrand, intitulé drôlement L’Atlantisme à la charentaise .
    Chevènement raconte en riant cette réunion, déjà ancienne, juste avant le congrès d’Épinay, en 1971, où il avait convaincu, sur l’Europe, les États-Unis, une poignée de partisans de Mitterrand de la suivre, lui, Chevènement, de contrer donc la politique de celui qui allait devenir (avec son aide, d’ailleurs) le premier secrétaire du PS. Mitterrand s’était approché de lui, dents serrées, en lui disant : « Si nous étions au pouvoir, je vous ferais emprisonner ! »
    Chevènement n’est pas loin de penser que Mitterrand a toujours été ainsi : ne croyant à rien, sauf à l’Alliance atlantique hors de laquelle, pour lui, point de salut !
    Il nous annonce qu’il lance un parti, un mouvement, un rassemblement, que sais-je, où il ne rassemblera peut-être que lui-même, et il égrène ses arguments anti-Maastricht, assez convaincants, mais pas à la mode, qui tombent à contre-courant et que les journalistes chassent, comme ils l’avaient fait naguère avec ceux de Michel Debré, d’un revers de la main. Il parle de la démission des politiques, de la monnaie unique qui, en fait, échappera à la volonté du peuple ; il dénonce la « croissance lente » imprimée à l’Europe par ceux qui la gouvernent, et parle du taux de chômage à deux chiffres tel qu’il sévit partout en Europe.
    Qui l’écoute ?
    5 mai
    Dîner, hier soir, chez Tony et Françoise Dreyfus avec, entre autres, Michel Sapin et Jean Peyrelevade. Philippe Alexandre et moi sommes les seuls journalistes présents. Pour la première fois depuis de longs mois, un vent d’optimisme souffle autour de nous pendant le repas.
    Nous parlons de Bérégovoy dont Mitterrand a annoncé, le 1 er  mai, qu’il resterait à Matignon au-delà de 1993. Personne d’entre nous n’y croit. Chacun, pourtant, a le même sentiment : il aurait dit lamême chose le mois dernier, il aurait été accueilli par des éclats de rire. Donc, succès de Bérégovoy, au moins dans cette première phase.
    Le Premier ministre fera-t-il quelque chose ? Assurément non. Il n’a que onze mois devant lui et paraît bien désireux de ne rien tenter d’intempestif.
    Mitterrand aussi est dans une phase de réussite : celle qui entoure le référendum sur Maastricht. L’opposition a intérêt à évacuer le débat le plus vite possible, car il s’agit d’un sujet où elle se sent mal à l’aise et sur lequel la victoire du Président est d’ores et déjà, d’après les sondages, évidente.
    Jacques Chirac n’a donc pas intérêt à relancer et compliquer le débat, quoi qu’il pense du texte du traité. Le Sénat peut-être le fera-t-il, puisqu’on lui prête l’intention d’entrer dans des astuces de formulation retardatrices et alambiquées. C’est le seul obstacle, désormais, qui peut freiner le dessein de François Mitterrand.
    Même si les choses allaient très vite, disons-nous, la modification constitutionnelle, puis la ratification prendront tout de même quelques semaines, c’est-à-dire

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