Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
de la région Île-de-France, était favorable à la candidature d’Alain Juppé.
« Je suis convaincu qu’il sera battu à la présidence du Sénat s’il tient à s’y présenter », m’assure-t-il.
Il juge que les distances prises entre Pasqua et Chirac sont aujourd’hui considérables. Quant à la stratégie de Philippe Séguin, elle lui paraît claire : Séguin est un homme seul, qui se veut tel et qui réagira en homme seul. Peut-être, s’interroge mon interlocuteur, a-t-il dès le début misé sur un référendum européen à l’issue duquel les « non » l’emporteraient ? Ce qui rebattrait les cartes et ferait de lui le chef incontesté du RPR. Il s’agit donc, pour lui, de reprendre le leadership du mouvement gaulliste, leadership que lui avait enlevé Chirac aux Assises du Bourget. Inutile de dire que, dans ce petit monde, le rapprochement entre Philippe Séguin et Marie-France Garaud alimente bien des rumeurs : quelques ennemis de Séguin vont jusqu’à prêter à la plume de Marie-France Garaud le discours prononcé par Séguin à la tribune de l’Assemblée nationale, comme si celui-ci n’aurait pas su l’écrire tout seul !
Je reviens, après avoir quitté Michel Giraud, à la crise du RPR : y a-t-il, derrière la fronde, une contestation de la manière dont Chirac gouverne le parti ? Le juge-t-on trop antidémocratique, trop prompt à évacuer les problèmes sans en parler ?
14 mai
Hier, vu Chirac avant son passage au JT de TF1. Je l’ai trouvé certes préoccupé, pourtant moins contracté, plus ouvert : lorsque je suis arrivée, il était affalé dans la cabine de maquillage, avec sa filletoujours présente. Il me dit avec un mélange d’agacement et de surprise :
« Mais si je n’avais pas été là, ce seraient 80 députés RPR qui auraient voté contre, et pas une petite trentaine ! » « Voter “non”, dira-t-il au cours de l’émission, était, je pense, mauvais car je ne veux pas isoler la France, voter “oui” signifiait que nous estimons que le texte était parfait. »
Donc il avait bien sous-estimé le phénomène anti-Maastricht dans ses rangs ! Je lui demande : référendum ou pas référendum ? Il espère que Mitterrand lui-même en aura peur. Ce qui lui permettrait, à lui Chirac, de garder l’opposition unie, et de ne pas avoir à tout recommencer de zéro.
Mitterrand lui fera-t-il ce cadeau ?
Dans une interview à Libération , Alain Juppé 33 reconnaît que « l’opposition a gâché sa victoire » (celle des cantonales et des régionales). Il en rend coresponsables Valéry Giscard d’Estaing et Philippe Séguin. À VGE il reproche d’avoir fait preuve d’une intolérance systématique vis-à-vis du RPR : « Depuis plusieurs mois, dit-il, les progrès de l’union de l’opposition ne profitaient pas à Giscard ; il a donc décidé de casser la mécanique et il a choisi l’occasion offerte par Maastricht. » Quant à Séguin, il a « exagérément passionné le débat ».
Alain Juppé en profite pour dire ce qu’il a sur le cœur : assez de grands chefs, de petits chefs, de nouveaux chefs qui, tous, préparent leur campagne présidentielle !
Il pense surtout à Philippe Séguin, à l’origine du désordre généralisé et qui s’est mobilisé, c’est évident, pour recouvrer sa popularité au sein du RPR.
15 mai
Quelle année ! Un changement de Premier ministre, des élections cantonales et régionales, un référendum en perspective, qui divise à la fois la gauche et la droite : ça n’arrête pas ! Si je prends tant de notes, c’est que j’ai l’impression que l’année des législatives à venir sera capitale. L’année en cours n’est déjà pas si mal !
De Roger Chinaud, au moment où le traité de Maastricht arrive devant le Sénat : « La question du droit de vote accordé aux immigrés vient beaucoup trop tôt dans le processus européen. Tant qu’il n’y a pas de nation, il n’y a pas de citoyens, donc pas de droit de vote. Aujourd’hui, l’Europe est à l’état de nourrisson. On lui met un chapeau-claque alors qu’elle a besoin de couches Pampers ! »
20 mai
Calme plat. Cohésion gouvernementale retrouvée, incohérence de l’opposition perpétuée.
La bagarre sur Maastricht commence au Sénat. Avec, en filigrane, la bataille pour sa présidence. René Monory aurait aujourd’hui les plus grandes chances d’être désigné par ses pairs. Pourquoi ? Parce
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