Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
RPR parle d’une « atteinte grave à l’union de l’opposition ».
Les meetings « à deux têtes » ont été condamnés par Jacques Chirac à l’issue d’un dîner à la Mairie de Paris où étaient conviés, autour de lui, Alain Juppé, Jacques Toubon, Robert Pandraud, Nicolas Sarkozy, Pasqua, Pons, Balladur et Perben. L’état-major au grand complet, donc, qui a refait son unité sur le dos de Giscard.
Déjeuner avec Dominique Strauss-Kahn. Lui non plus, à l’instar de son directeur de cabinet, qui s’est joint à nous, ne se déclare pas convaincu par Maastricht, ou plutôt, pour être honnête, par l’opportunité d’un débat sur Maastricht.
« Rien n’obligeait Mitterrand, dit-il, à consulter les Français aujourd’hui sur ce qui doit se passer en 1999. L’Europe se fait en marchant, au gré de son mouvement naturel. Point n’était besoin de hâter artificiellement le pas ! »
10 juin
Le débat-meeting de Sélestat a été sans histoires : Giscard est arrivé à 20 h 39, il a pris place dans la rangée des convives, à l’extrémité opposée de l’endroit où était installée Élisabeth Guigou. Il a passé son temps à feindre de dédramatiser le débat en ponctuant son discours de vannes à l’endroit du RPR.
Pendant ce temps-là, au Sénat, et malgré ce que m’avait affirmé Philippe Séguin l’autre jour, la majorité des sénateurs décide de poursuivre l’examen du projet de loi constitutionnelle.
18 juin
André Bellon, président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, que je viens de rencontrer à l’issue d’une séance difficile entre majorité et opposition sur la révision constitutionnelle préalable au référendum européen, me dit qu’à son avis, la montée en Europe de l’opposition à Maastricht est autrement plus importante que les escarmouches parlementaires : le chancelier Kohl vient, contre toute attente, de critiquer la bureaucratie de Bruxelles. De là à ce que les onze pays européens concernés par Maastricht veuillent finalement renégocier le traité, contrairement à ce que Mitterrand a toujours dit, il n’y a qu’un pas. C’est ce à quoi s’attend la commission.
19 juin
Dans la nuit, le calme revient au Parlement. Rien, désormais, ne devrait empêcher la révision constitutionnelle d’être adoptée par les 3/5 des députés et des sénateurs réunis à Versailles le 23.
23 juin
Congrès à Versailles. Une salle carrée où l’on a rajouté à la hâte des sièges rouges. De chaque côté du président de séance – qui n’est pas encore assis –, deux immenses pendules dorées. Au mur, la grande fresque représentant les trois ordres – noblesse, clergé et tiers état – réunis en États généraux.
Dans la cour, en arrivant, je croise Lecanuet, amaigri, presque chauve, pour tout dire méconnaissable – ce qui dit, hélas, ce que cela veut dire. Il nous raconte néanmoins, dans son style, ses précédentes visites à Versailles pour un Congrès. Il était déjà là lorsque René Coty a été élu président de la République en 1953 !
André Rossi, parlementaire centriste, se déclare farouchement opposé à Maastricht, « bouillie fédéraliste ».
Michel Barnier votera « oui ». Chirac a sous-entendu hier que des difficultés financières expliqueraient ce vote inconditionnel. « C’est méprisable ! » siffle Barnier en guise de réponse à Chirac.
Depuis les travées sous les combles, réservées aux journalistes, je regarde entrer l’un après l’autre ceux qui, perdus, cherchent où s’asseoir. Ils sont placés par ordre alphabétique : Chirac à côté de Roger Chinaud, Balladur voisin de Balkany.
Au banc du gouvernement, Bérégovoy, Lang, Vauzelle, Dumas, Guigou.
10 h 30 : le bureau s’installe, Henri Emmanuelli s’assied, chausse ses lunettes et lit le décret de convocation du Congrès.
À peine en a-t-il fini la lecture qu’il suspend la séance pour permettre aux groupes de se réunir. Tout juste assis, donc, tous se relèvent. La reprise est prévue pour 11 h 15. D’ici là, les parlementaires font la queue au bureau de poste du Congrès où on vend des pins’s et des cartes postales qu’ils enverront à leurs électeurs.
La séance reprend à 11 h 25. Un coup d’œil sur les travées : je m’aperçois que Chirac et Balladur ne sont pas revenus siéger. Ils ont laissé leur siège vide avant que le Premier
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