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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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ministre ne prenne la parole. Le vote aura lieu sans eux.
    Bérégovoy prend la parole. Un discours fait de phrases banales, courtes, efficaces, qu’il prononce sans émotion aucune, sans aucun souffle : « L’Europe, c’est la paix ! » « L’Europe c’est l’union, et l’union c’est la force ! » « Parce que nous serons plus européens, nous n’en serons pas moins français ! » Plus audacieux : « Il faut être plusieurs pour préserver les acquis de notre modèle social ! »
    Il ne pouvait pas être plus discret. « Qui va nous faire vibrer ? » demande, près de moi, à la tribune de presse, Christine Clerc, désappointée par tant de froideur.
    Pendant que Claude Estier, puis Jacques Barrot, puis Georges Marchais prennent à leur tour la parole, je remarque que députés et sénateurs ne prêtent qu’une oreille distraite aux propos prononcés à la tribune : la plupart rédigent leurs cartes postales ou lisent les journaux du matin. Claude Estier est tout pâle, Jacques Barrot essaie sans aucun succès de faire entrer un peu de solennité européenne sous les lambris de Versailles. « La France, assure-t-il, ne se dissout pas, elle se fortifie ! »
    Centristes, giscardiens et socialistes disent au fond la même chose : hors de l’Europe, point de salut ! Refuser Maastricht, c’est faire un bond en arrière.
    Le communiste Lederman rompt le cours monocorde de ces bonnes paroles. Il secoue les travées en évoquant le « non » courageux du peuple danois. On l’a compris assez vite : le Parti communiste ne votera pas la révision constitutionnelle, pas plus qu’il ne dira oui, plus tard, au traité de Maastricht.
     
    Je reviens en passant sur le « 7 sur 7 » de Jacques Delors, dimanche dernier. Il faut dire ce qu’il en est : lui, quand il parle de l’Europe, il est convaincant ! De son passage à la télévision je retiens aussi l’opération de politique intérieure. Il a proposé, en fin d’émission – ou, plus exactement, il n’a pas exclu –, qu’au-delà du consensus sur l’Europe tel qu’il va se dessiner après le vote de Maastricht, le gouvernement puisse s’ouvrir à d’autres qu’à des socialistes. Sans parler de recomposition générale, il envisage une recomposition ponctuelle des pro-européens autour de lui. Pour quoi faire ? Matignon, l’Élysée : quel est son but ?
     
    À Versailles, les discours continuent sur un mode attendu, jusqu’au moment où Laurent Fabius, de gris clair vêtu, avec une chemise au col trop large, monte à la tribune. Lui, il attaque sans précaution,bille en tête, le RPR qui a changé de position sur l’Europe. C’est pour mieux montrer tout ce qui, sur le fond, unit la majorité de cette assemblée.
    « Le traité, insiste-t-il, n’est ni libéral ni socialiste. Il appartient à tout le monde et ne préjuge pas des convictions de chacun. »
    Et il finit par citer Victor Hugo dans son discours inaugural du Congrès de la Paix, en 1849 : « Un jour viendra où la guerre nous paraîtra impossible... Un jour viendra où les morts seront remplacés par les votes... La chimère commence à devenir réalité ! »
    Quelle extraordinaire citation de Victor Hugo, venue à point nommé, et qu’elle a été bien placée ! On peut tout dire sur cet homme, sauf qu’il n’a ni talent ni culture. Au milieu des paroles insipides, il relève le niveau.
    Suivent Georges Marchais et Charles Millon. Tout est dit, je peux m’en aller.
    24 juin
    Hier, vu Pierre Bérégovoy. Calme, pondéré, il n’a l’air ni fatigué ni surmené. Il éprouve – et ne le cache pas – un vrai bonheur à être à Matignon. Comment imaginer qu’il puisse rester dans l’ombre, laissant dans un an Michel Rocard ou Jacques Delors caracoler devant les Français ? Je ne suis pas sûre qu’il soit le meilleur ; il est, aujourd’hui, le plus qualifié.
    Il est heureux d’avoir franchi le cap du Congrès. Il ne paraît pas inquiet à la perspective d’un référendum sur Maastricht. « On peut perdre, évidemment », dit-il, mais sans y croire.
    29 juin
    Gros succès personnel de Mitterrand, qui, en pleine réunion du sommet de Lisbonne, quitte la capitale portugaise pour se rendre à Sarajevo. Son initiative, inattendue, est couronnée de succès, puisque le lendemain – aujourd’hui – le drapeau de l’ONU flotte sur Sarajevo. Dans sa chronique du Figaro , Alain Peyrefitte évoque ce matin cette initiative

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