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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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le pouvoir. Il s’est trompé : il l’a peut-être compris assez vite, mais trop tard pour revenir en arrière.
    En un an, mis dans l’obligation de faire un choix entre Balladur et Chirac, certains ministres ont pris du champ vis-à-vis du maire de Paris. C’est vrai au moins de deux d’entre eux : Nicolas Sarkozy a délaissé depuis l’automne dernier les réunions hebdomadaires à l’Hôtel de Ville autour de Jacques Chirac. Il l’a plus ou moins reconnu publiquement, en octobre dernier, lorsqu’il a dit dans une émission télévisée 1 que le Premier ministre ayant recommandé à ses ministresde s’occuper de leur département ministériel, il ne se préoccuperait pas, auprès de Jacques Chirac, de campagne présidentielle 2 . Déclaration vraie et fausse à la fois. C’est vrai : il ne s’occupera pas de celle de Jacques Chirac. C’est faux : il est l’organisateur de celle de Balladur.
    Deuxième défection : celle de Michel Roussin, littéralement débauché par Édouard Balladur alors qu’il était directeur de cabinet de Chirac. Ancien militaire, mi-ange gardien, mi-garde du corps du maire de Paris, Michel Roussin a certes grandi – politiquement, s’entend – dans l’ombre de ce dernier. Sans doute en avait-il assez d’un tel rôle : « Il est temps que Jacques Chirac comprenne que j’ai d’autres ambitions que de sortir le chien l’après-midi », avait-il confié un jour, l’année dernière, à Paul Guilbert. Devenu ministre, accédant ainsi, grâce à et auprès de Balladur, à un statut que ne lui avait pas accordé Chirac, il a rompu les amarres, assez brutalement et assez tôt, me dit-on.
    Reste autour de Chirac le dernier carré : Jérôme Monod et Maurice Ulrich, les plus anciens, Jacques Toubon, Jean-Louis Debré, et François Baroin, le benjamin 3 . Quoique ministre du gouvernement Balladur, Alain Juppé n’a pas abandonné Jacques Chirac : son ancien directeur de cabinet, Patrick Stefanini, est resté à l’Hôtel de Ville. Dernier venu, le plus jeune, un énarque de 33 ans, Jean-Pierre Denis, recruté en 1992, est responsable des études et de la réflexion.
    Cet état-major suffit-il à un homme qui aspire à être président de la République ? N’est-ce pas lui qui, au bout de la ligne droite, devra abandonner la partie ? Les moyens d’un Premier ministre, joints à la servilité des dirigeants à son égard, sont-ils surmontables ?
    5 janvier
    Vœux de Mitterrand à la presse. Dans la rue, devant l’Élysée, je retrouve Laurence Soudet qui me confie avec excitation : « Ça y est, c’est reparti ! »
    De tous les collaborateurs et collaboratrices du Président, Laurence Soudet est sans doute, chronologiquement, la première. Elle l’a connu il y a très longtemps, alors qu’elle était, dans l’ombre de Pierre Mendès France, responsable de la publication du mensuel mendésiste Les Cahiers de la République 4 . Mitterrand collaborait à cette revue. Il en était membre du comité de direction. Pourtant, les relations entre François Mitterrand et PMF étaient devenues, à partir de 1954, des plus compliquées. Ministre de l’Intérieur de Mendès France, alors président du Conseil sous la IV e  République, Mitterrand, comme tout le monde, respectait l’homme. Mendès, lui, appréciait l’intelligence de Mitterrand, tout en se méfiant de son ambition et de ses facilités. Puis ce fut, en 1954, l’« affaire des fuites », où Mitterrand fut longuement mais silencieusement suspecté d’avoir transmis des documents confidentiels aux communistes. Mitterrand n’a jamais pardonné à Mendès de l’avoir fait surveiller, lui, son ministre de l’Intérieur et ami politique, par des services qui, de surcroît, étaient placés sous son autorité à lui, Mitterrand, sans jamais avoir osé l’interroger directement sur les faits reprochés, sans même le prévenir avant plusieurs semaines des soupçons qui pesaient sur lui. Disculpé par la suite, Mitterrand n’a jamais pardonné.
    Puis vint de Gaulle : Mitterrand et Mendès dénoncèrent ensemble, à l’Assemblée nationale, le « coup d’État » qui, selon eux, avait porté le Général au pouvoir. Rejetés dans l’opposition, c’est également ensemble que les deux hommes, avec la presque totalité des autres leaders de la gauche républicaine, votèrent contre la modification constitutionnelle instituant l’élection du président de la République au suffrage

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