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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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universel.
    À cette nuance notable près qu’après avoir voté « non » au référendum de 1962, François Mitterrand se décida rapidement à prendre le général de Gaulle au mot en faisant acte de candidature à la première élection du chef de l’État au suffrage universel, en 1965. Ce à quoi PMF – du moins en 1965 – renonça.
    C’est à ce moment que Laurence Soudet a rejoint Mitterrand.
    Elle en a donc vu, Laurence Soudet, depuis trente ans ! Depuisla création de la Convention des institutions républicaines 5 , jusqu’à aujourd’hui, à l’Élysée depuis treize ans, elle a vu passer hommes – et femmes ! – dans l’entourage de Mitterrand, elle a servi d’agent de liaison, elle sait tout, voit tout et ne dit que ce qu’elle veut bien dire. Elle n’ignore rien, depuis le début de leur liaison, du roman qui unit depuis des années Mitterrand et Anne Pingeot, elle sert au besoin de couverture, et commente avec une grande liberté de ton les frasques de Mitterrand et ses actes de bravoure. C’est une « groupie » éclairée.
    Donc, qu’est-ce qui est reparti  ?
    « Tu sais bien que son premier objectif a toujours été de lutter contre son Premier ministre. Eh bien, ça recommence : il est fou de rage contre Édouard Balladur ! »
    Fou de rage parce que « Balladur a rencontré par deux fois le juge Jean-Pierre depuis que celui-ci a changé de poste, et le rapport de celui-ci sort précisément dans la presse aujourd’hui. Mitterrand ne peut pas croire à une coïncidence !
    « En fait, ajoute-t-elle, le plus pressé d’entrer à l’Élysée aujourd’hui, c’est Balladur et pas Chirac, qui, entre nous, face à Balladur, est un enfant de chœur. C’est donc lui, pense Mitterrand, qui a intérêt à sortir les documents Pelat... »
    Dernière phrase avant de s’engouffrer sous le porche : « Charasse lui avait dit : “Thierry Jean-Pierre ne nuira plus. Je me suis entendu avec Pasqua.” Tu parles, Pasqua ! »
    Mitterrand rejoint les journalistes à 17 h 15 dans la grande salle Napoléon III, au rez-de-chaussée de l’Élysée. Il leur parle sur le ton nostalgique qui est le sien depuis la révélation de sa maladie, encore qu’il apparaisse aujourd’hui assez guilleret. « Chaque âge, dit-il, apporte son lot de bonheur qui s’appelle l’harmonie, l’harmonie intérieure. Souvent, je vois ou je lis qu’on parle de moi en disant : le vieux . Essayez donc, je vous le souhaite ! »
    « Remplir sa vie au mieux, constate-t-il devant nous, ça, c’est un privilège ! »
    Après ces considérations humaines, il parle politique. Et je comprends que Laurence Soudet a raison : l’époque du flirt avec Édouard Balladur est terminée. Il aborde le problème de la loi Falloux : « Je ne m’y attendais pas, dit-il aux journalistes, mais vous non plus. Le comte de Falloux ne voulait surtout pas que les subventionsà l’école privée dépassent les 10 %, c’est dans le deuxième volume de ses Mémoires. En voulant faire mieux, on risque de faire pire ! »
    Avertissement sans frais au Premier ministre. Il continue :
    « En 1984, nous aussi, nous avions connu une bourrasque sur la question de l’enseignement privé. Je le rappelais récemment au cardinal Lustiger. Nous étions arrivés à une solution qui fut certes critiquée... » Façon discrète de laisser entendre qu’il a gardé des contacts avec les autorités religieuses. « Mais nous nous étions séparés en nous disant : nous sommes tranquilles pour vingt ans. Fragilité des prévisions ! »
    Pour le reste, il va bien. Il sera là, assure-t-il, l’année prochaine. « Je voudrais pouvoir en dire autant à chacun d’entre vous ! » ajoute-t-il. Nous rions jaune.
    Et puis, dernière réflexion qui montre à quel point le juge Jean-Pierre l’obsède toujours : « J’aurai été le seul chef d’État à ne poursuivre personne en justice. Il m’arrive d’en crever d’envie. Je ne fais pas, moi, appel à ces lois, même si j’estime qu’elles sont nécessaires... »
    Puis il met fin à cette première partie de l’entretien en parlant encore, de façon détournée, de sa santé : « J’en suis à ma onzième heure debout, nous dit-il. Ce qui prouve que j’ai encore des jambes ! »
    Il a, face à la maladie et à ce qu’il sait que nous savons de sa maladie, une sorte d’humour macabre surprenant, que je ne goûte qu’à demi, dont il fait une sorte de

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