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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Séguin !
     
    Ce matin, Hillary Clinton, accompagnée de Simone Veil, avait accueilli pour un petit déjeuner chez Laurent, aux Champs-Élysées, quelques journalistes françaises. Quand elle est arrivée, elle me semblait tout à fait quelconque : ensemble vert pomme d’une facture terriblement américaine, visage sans éclat – une femme que l’on croiserait sans la remarquer sur la Cinquième Avenue. Dès qu’elle parle, sans forcer la voix ni le sourire, avec une vitalité inouïe, elle devientrayonnante. Ses ennemis, dit-elle, ce sont d’abord les lobbies, celui des médecins, celui des assurances, surtout, toutes-puissants quand on veut comme elle s’attaquer aux problèmes de santé publique.
    Bill Clinton et elle, nous a-t-elle raconté « entre femmes », ont vu le pape sans arriver une seule seconde à le faire changer d’attitude sur le contrôle des naissances. L’étonnement du président américain et de son épouse sur le sujet nous étonne...
     
    Avant elle, Simone Veil, qui s’est rendue hier aux fêtes du débarquement, m’a raconté la cérémonie en Normandie avec la reine d’Angleterre. Elizabeth est arrivée toute habillée de rose, avec un extraordinaire imperméable Burberry jeté sur les épaules, et puis une cape avec des épaulettes. On présente à la reine le préfet qui se flatte de représenter le gouvernement. « Ah, mais pardon, dit Simone, le gouvernement ici c’est moi qui le représente ! D’accord, je suis une femme, mais tout de même ! »
    La misogynie va se nicher partout. Quel goujat, ce préfet !
    13 juin
    « Pire que prévu 35 . » Hier dimanche, au siège du PS, l’expression est sur toutes les lèvres. Sur les lèvres décolorées de Michel Rocard lorsqu’il est apparu, visage défait, sur le petit écran. Sur celles de ses fidèles, impuissants et désolés. Évidemment aussi sur celles de ses adversaires.
    Comment dire : si Rocard avait obtenu 19 % des voix, ou même 18 %, tous ses adversaires, au PS, seraient déjà en train de demander sa peau. Là, l’échec est si grave que plus personne n’ose l’attaquer. Chacun est presque effrayé par l’ampleur de la défaite. 14 % : jamais, depuis la présidentielle de 1969 36 , le PS n’était descendu aussi bas. De quoi décourager ses ennemis politiques au sein du PS d’envoyer des exocet sur une ambulance !
    Je rencontre ou je joins par téléphone tous les leaders du PS, oupresque, dans la nuit de dimanche à lundi : aujourd’hui, chacun est accablé, personne n’ose même sonner l’hallali. Roland Dumas parle en sage : « Son entourage, me dit-il, va essayer de lui remonter le moral. Pendant quelques jours, il va penser pouvoir continuer, et puis il sentira le sol se dérober sous ses pas. »
    Je ne tire de Laurent Fabius, peu ou même pas du tout sollicité par Rocard durant la campagne, aucun propos qui puisse lui nuire. « Une seule question, me dit-il simplement : que faire ? Nous sommes au-delà des procès faits aux hommes ! Que va-t-on faire sur le fond, que proposer ? Là est la question. »
    Il n’est pas jusqu’à Pierre Mauroy, le juge de paix du Parti, qui ne convienne devant moi que « si l’on ne change rien, la gauche risque d’aller tout droit dans le mur ». Elle y est déjà, je trouve !
    Quelles fautes ont été commises, et par qui ? Par Michel Rocard, sûrement. Sa campagne a été si terne que je n’en ai pas retenu un seul mot, une seule phrase, un seul slogan. Il a semblé hésitant, presque inconsistant, comme, par exemple, lorsqu’il a changé d’avis sur la levée de l’embargo imposé aux Bosniaques, ou lorsqu’il a paru accepter l’oukase des intellectuels regroupés pour un temps autour de Bernard-Henri Lévy. Comment le « parler-vrai » de Rocard s’est-il ainsi transformé en « parler-flou » ?
    Son échec, néanmoins, est aussi celui du Parti socialiste. Il n’a pas su le réorganiser, certes, mais les dirigeants des différents courants auraient pu, de leur côté, s’amender. Réfléchir à ce qui allait leur arriver si, un an après l’échec terrible de 1993, ils ne se reprenaient pas en main. Le Parti aurait tout de même pu « capitaliser » sur les erreurs commises par la majorité, qui n’ont pas manqué depuis le début de l’année : CIP, réforme de la loi Falloux. Tout cela leur est passé sous le nez, ils n’ont saisi aucune occasion, n’ont rebondi sur aucune faute de leurs adversaires. Et

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