Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
pensée dans un ouvrage. Une phrase en exergue résume le propos : « C’est le déclin quand l’homme dit : “Que va-t-il se passer ?”, au lieu de dire : “Que vais-je faire ?” » Il fait, en quelques pages, l’éloge du volontarisme politique, seul capable d’assurer un retour, partiel mais significatif, à l’emploi.
L’effet de surprise y est pour beaucoup. On le croyait à terre : Jacques Chirac marque par son livre le début du dernier été avant l’élection présidentielle.
Fin juillet-début août
Avant que je ne parte en vacances, Bernard Pons me raconte que par une fin d’après-midi ensoleillée de ce début d’été, dimanche dernier, il s’en est allé rendre visite à Chirac à l’Hôtel de Ville. C’est ledimanche, désormais, que le maire de Paris reçoit amis et confidents – enfin, ce qu’il en reste... Tous les autres jours de la semaine ou presque, il court la France. Maurice Ulrich et le jeune Jean-Pierre Denis font marcher la machine quand il n’est pas là. Le dimanche, Chirac se pose : en pull-over l’hiver, en manches de chemise l’été, il accueille ses visiteurs avec amitié et affabilité. Il faut dire qu’en ce moment il n’y en a pas beaucoup, de visiteurs. Parmi les journalistes, il n’y a guère que Franz-Olivier Giesbert, Paul Guilbert et moi qui l’approchons, toujours ce jour-là.
En un an, de juillet 1993 à juillet 1994, Jacques Chirac n’est pas remonté dans l’opinion publique ; il est à 15 points derrière Édouard Balladur. Il est vrai qu’il affecte le plus grand détachement à l’égard des sondages, et qu’il doute des études commandées par Matignon. Il ne se prive pas d’ironiser – c’est un de ses morceaux de bravoure – sur le fil direct qui relie l’universitaire Hugues Portelli, membre du cabinet de Balladur, et Jérôme Jaffré, directeur de la Sofres.
Pourtant, Pons a attaqué bille en tête : « Jacques, il faut s’y faire : je crois que vous allez être élu Président l’année prochaine. » Au moment où il le dit, me raconte-t-il, il pense être le seul, ou à peu près, à croire encore dans les chances de Chirac. Celui-ci, en revanche, n’en doute toujours pas. Il lui répond avec calme : « Ah bon ? Pour tout vous dire, je le crois aussi. Mais qu’est-ce qui vous fait être aussi certain de la victoire ? »
Pons énumère : Balladur est finalement plus fragile qu’on ne le croit à Matignon ; le RPR, fidèle dans sa majorité à Chirac, survivra au départ éventuel de Charles Pasqua qui ne peut que marcher derrière Balladur ; enfin, le PS ne se relèvera pas de son dernier échec. La conviction de Bernard Pons, il le dit à Chirac, est que Jacques Delors ne sera pas candidat.
Que lui a répondu Jacques Chirac ? Que c’était son avis, que Delors n’irait pas à la bataille. Bernard Pons était très remonté par cette conversation. Il part en vacances, sans doute dans le Lot, regonflé à bloc.
23 août
Vu Alain Juppé, retour d’Italie, hier. Ce n’est pas de politique étrangère qu’il veut parler ce matin à RTL où je l’interroge. Il arrive chargé d’un message du Premier ministre : la privatisation de Renaultest virtuellement abandonnée. Il est là, manifestement, pour plaider que la gauche avait certes commencé à vendre Renault par petits bouts, et que l’actuel gouvernement, au contraire, compte bien en garder la majorité. Je traduis : nouvelle reculade du Premier ministre qui ne veut pas risquer un conflit social en cette fin d’été.
Juppé n’est pas le messager du gouvernement, en revanche, quand il parle de Pasqua : « Il fait le coup tous les ans, me dit-il, le micro sitôt fermé. Il prend quinze jours de vacances en juillet, au moment où tous les ministres continuent à travailler. Puis il revient en août pour montrer qu’il est seul à la barre pendant que tout le monde se la coule douce ! »
Question sur le duel Chirac-Balladur. Quand lui, Alain Juppé, choisira-t-il entre le président du RPR et le Premier ministre ? Quand fera-t-il savoir de quel côté penche son cœur ? La situation pour lui est-elle vivable ? Il répond : « Pour moi, le choix est clair. Qui a écrit, demande-t-il, qu’il ne fallait pas que le même homme soit à la fois Premier ministre et candidat à la présidentielle ? Ce n’est pas moi, c’est Édouard Balladur. »
Aujourd’hui, c’est Nicolas Sarkozy qui est au micro, à la place
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