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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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occupée hier par Alain Juppé, à 7 h 50. Il annonce un budget social : contre l’exclusion, pour les créations d’emplois. Façon de couper l’herbe sous le pied de Jacques Chirac.
    Déterminé, énergique, tel qu’il m’apparaît aujourd’hui, Sarkozy s’est tout entier jeté dans la campagne présidentielle. Il raconte en quelques mots sa stratégie, je veux dire : celle d’Édouard Balladur. Il s’agit de démontrer dès les prochains jours que, contrairement à ce que l’on dit, le Premier ministre n’est pas isolé au sein du RPR. Que Jacques Chirac n’y est plus seul maître à bord, en tout cas pas chez les parlementaires RPR.
    Balladur ne se rendra pas à l’université des jeunes RPR. Il sera en revanche bien présent aux journées parlementaires de Colmar, fin septembre. « Après tout, appuie Sarkozy, il est le chef de la majorité parlementaire. Il est naturel qu’il vienne prononcer un discours à Colmar. » Sans doute pense-t-il que de ces journées parlementaires sortira un appel à la candidature Balladur, ou quelque chose d’approchant. Balladur fera mine de s’offusquer, de se plaindre de cette initiative intempestive dont on saura par ailleurs qu’elle est entièrement fabriquée. Puis, jusqu’au mois de janvier, on fera de la figuration intelligente avant le sprint final.
    24 août
    La baisse des impôts – il s’agit tout de même de 19 milliards pour 1995 – laisse Robert Hue indifférent. Il énumère au micro, ce matin, en lisant sur une fiche des chiffres écrits en rouge et en noir, les autres ponctions opérées sur le portefeuille des contribuables : impôts indirects, taxes multiples, CSG, etc. Et rouspète devant la supercherie qu’il y a à parler de baisse d’impôts alors que les prélèvements ne cessent de progresser.
     
    Dans l’après-midi, Chirac me reçoit à l’Hôtel de Ville pour me parler d’abord des cérémonies du 50 e  anniversaire de la libération de Paris, qui doivent avoir lieu ce soir et qui seront, assure-t-il, grandioses. Et puis nous évoquons pendant plus d’une heure sa stratégie. Comment lutter contre Balladur ? Les moyens, l’influence, le pouvoir sont à Matignon ; Jacques Chirac est, si j’ose dire, payé pour le savoir. Comment sauvegarder l’unité du RPR dont les parlementaires sont démarchés chaque jour par les envoyés du Premier ministre ? Comment y imposer sa loi alors que Balladur est structurellement le chef de la majorité ? Hier, les deux hommes auraient conquis le pouvoir en un tournemain. Désunis, qui dira les haines, les procès, les crocs-en-jambe qui les opposeront, et opposeront leurs amis dans les mois qui viennent ?
    La détermination de Chirac est entière, pourtant. Il affecte de croire qu’Édouard Balladur ne se présentera pas : « Non pas pour des raisons morales, souligne-t-il, perfide, non, cela, je ne le crois plus. » Il croit que si Balladur se heurte à une volonté plus forte que la sienne, il préférera se retirer plutôt que de l’affronter. En outre, il le dit sans fard, il pense, comme il l’a d’ailleurs déclaré à plusieurs reprises à Charles Pasqua depuis 1992, qu’« Édouard ne sera pas candidat tout simplement parce qu’il est incapable de faire campagne ». Je tombe des nues : comment ça, incapable de faire campagne ? Parce qu’il n’a pas l’habitude de serrer les mains sur les marchés, de faire du porte à porte, d’entrer dans un magasin pour aller glaner deux ou trois voix supplémentaires. « Et puis, surtout, me dit Chirac, parce qu’il a été trop gâté par la vie politique, qu’il a tout eu sans rien risquer. »
    Il s’est tout de même fait élire dans le XV e  arrondissement, non ? Réponse immédiate : « Il ne connaît même pas la rue Saint-Charles.S’il la connaît un peu, c’est parce que je l’ai faite avec lui. Il a été élu parce que je l’ai fait élire. N’importe qui, à sa place, aurait été élu ! »
    Le poste de ministre d’État, ministre des Finances ? « À qui le doit-il, sinon à moi ? » Matignon, en 1993 ? « Si je n’avais pas gagné les élections législatives, si le RPR n’avait pas été le premier parti de France, si j’avais voulu être Premier ministre, aurait-il été nommé ? »
    Je comprends mieux avec quels sentiments, dont il n’a jamais parlé et que nous, journalistes, n’avons pas même imaginés, Chirac a laissé Mitterrand nommer Balladur. Il ne dit pas,

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