Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

continuent, après des hauts et des bas, à plébisciter Balladur. Sur tous les thèmes – croissance de l’économie, lutte contre l’insécurité, santé du franc, lutte contre le chômage, maintien de la cohésion sociale, place de la France dans le monde, maîtrise des déficits publics, impartialité de l’État –, Balladur arrive en première position. Chirac aura fort à faire pour remonter la pente. D’autant que, chez les sympathisants du RPR aussi, Balladur le devance très nettement. Quant à l’électorat UDF, n’en parlons pas !
    Les experts ont beau dire que Balladur a laissé filer les déficits de l’État, que Jacques Chirac a beaucoup plus allégé les impôts que l’actuel Premier ministre, qu’il a également beaucoup plus déréglementé l’économie, rien n’y fait. Balladur jouit d’une formidable popularité dans la majorité, et l’opposition a perdu pied.
    2 septembre
    Les universités d’été des jeunes RPR – ce sont les douzièmes – ont lieu cette année à Bordeaux. Mauvaise date pour moi, alors que c’est la rentrée des médias et que je dois assurer une présence quotidienne sur RTL. Je suis donc cela de loin, à travers les déclarations des uns et des autres à la radio et à la télévision.
    Une absence remarquée : celle de Balladur.
    Il n’y a plus aucune ambiguïté sur l’attitude d’Alain Juppé. Celui-ci est le premier, à ma connaissance, à lancer à Chirac un appelsolennel, follement ovationné par les deux mille jeunes présents dans la salle : « Vous vous demandez, leur dit-il, avec qui vivre votre passion ? Que Jacques Chirac nous montre le chemin ! »
    Cela vaut pour le moins l’appel de François Léotard à Balladur en décembre dernier. Égalité...
     
    Pendant ce temps, universités d’été socialistes à La Rochelle. À gauche toute derrière Emmanuelli 39  ! Une politique de gauche prônée par le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste qui ne se préoccupe pas le moins du monde de la candidature de Jacques Delors. On marche sur la tête : tout est fait pour rebuter ce dernier alors qu’il est le seul à avoir une chance d’être élu. C’est à n’y rien comprendre !
    On verra, dit Emmanuelli, en janvier prochain. J’espère pour eux qu’ils n’attendront pas, pour décider de leur candidat, le lendemain de l’élection présidentielle !
    5 septembre
    Décidément, ce sont les grandes manœuvres pré-présidentielles. Pour ne pas être en reste, le Parti républicain s’est également réuni hier à Carcans-Maubuisson. Confortés par les sondages dans leur ardeur à se prononcer pour Balladur, une ribambelle d’intervenants ont exprimé le souhait d’une candidature unique de la majorité en 1995 – celle, évidemment, du Premier ministre.
    À deux exception près : celle d’Alain Madelin, qui semble pencher pour Chirac, et celle de Charles Millon, qui plaide inlassablement pour une candidature UDF séparée. J’avoue ne pas comprendre comment il peut camper sur cette position : François Léotard a ouvert la voie à la fin 1993, ses amis le suivent ; que peut faire le petit Millon, complètement isolé dans son camp ? Et pourquoi une candidature UDF qui, face à Balladur et à Chirac, serait d’emblée marginalisée ?
    Pour Léotard et ses amis, Balladur est incontournable.
    12 septembre
    Intervention télévisée de Mitterrand sur France 2, ce soir. Terrible ! D’abord parce qu’il a l’air visiblement très touché par le ou les traitements anticancéreux dont il est l’objet. Son apparence diaphane, sa peau livide et translucide, tout cela est révélé de manière cruelle par les caméras dont on ne se méfie jamais assez. Ensuite parce que le livre de Pierre Péan 40 qui vient de paraître sur sa jeunesse et son passage par le Vichy du maréchal Pétain jette sur lui une lumière trouble, presque glauque, qu’il n’est pas parvenu, tout à l’heure, à dissiper.
    Je savais, sur cette période de sa vie, ce qu’il m’en avait raconté il y a longtemps : qu’il était passé par Vichy en revenant de captivité ; que, très vite, il avait décidé de retourner à Paris où il avait créé et animé le Mouvement des prisonniers de guerre, ce qui lui avait valu de participer, à la Libération, à ce qu’on a appelé le gouvernement des secrétaires généraux. Je savais, parce que j’avais lu, comme beaucoup – le livre fut un best-seller –, Le Noir et le Rouge ,