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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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commun accord ». Quant à Jacques Chirac, sa première intervention est, je trouve, réussie. Il n’est plus raide, ou plus exactement sa raideur s’est transformée, sous les dorures, en élégance. Avec une sorte d’éclat qui contraste, on l’imagine, avec la pâleur et l’air contraint d’Édouard Balladur, au supplice.
    Chirac se dit le « dépositaire d’une espérance ». En appelant à l’unité, il a une phrase qui laisse croire qu’il pratiquera l’ouverture sinon en direction du PS, du moins vers le centre gauche 30 . Il reparle, comme il le fait depuis des mois, de l’État impartial dont il se dit le garant, de l’indépendance de la justice, des fractures et des cicatrices qui couturent le pays. Et il dessine en quelques mots sa conception – celle du général de Gaulle, précise-t-il – d’un Président rassembleur, arbitre, dans un juste équilibre entre l’exécutif et le législatif. Reprenant là encore un des thèmes essentiels de sa campagne, il parle de sa volonté de « renouer le pacte républicain » qui unit tous les Français. Il a également une phrase d’hommage au président Mitterrand qui « a marqué de son empreinte les quatorze années qui viennent de s’écouler ».
    Dans l’après-midi, Jacques Chirac est monté à l’Arc de Triomphe. Là encore, il a de la veine : il pleuvait, ce matin ; il fait exceptionnellement beau, cet après-midi. Il descend d’une superbe voiture décapotable à bord de laquelle, tout au long du parcours, il n’a pas caché sa joie, sa jubilation. Le vent l’a décoiffé, les revers de sa veste se sont soulevés : gentiment, Philippe Séguin remet de l’ordre dans sa tenue, allant jusqu’à resserrer son nœud de cravate, avant que Chirac ne fasse à nouveau face à la foule. Geste familier et inattendu de Séguin...
     
    Inattendu aussi, ce qui s’est passé au siège du PS. En début d’après-midi, immédiatement après la passation des pouvoirs, François Mitterrand, de son côté, a bouleversé son programme et fait un détour pour s’en aller retrouver la rue de Solferino. Une façon, dit-il, de faire en sens inverse le chemin parcouru en quatorze ans 31 .
    Dans la cour du PS, les socialistes – dirigeants, permanents, amis – sont venus nombreux ; beaucoup ont les larmes aux yeux, car c’est leur vie qui s’est écoulée au rythme marqué par le président de la République. Et puis, comment dire, après une véritable période de froid entre le PS et l’Élysée, qui a duré, avec des hauts et des bas, depuis le début du second septennat, la visite inattendue de Mitterrand prend une dimension historique en même temps que personnelle. Ils le savent bien, les socialistes présents – les Estier, Jospin, Mauroy, Fabius, Emmanuelli... –, qu’ils ne retrouveront plus un Mitterrand dans leur vie.
    Et, en même temps, ils retiennent les phrases de celui-ci qui les appelle à garder désormais dans leur cœur et à l’esprit une doubleculture, celle d’un parti d’opposition et celle d’un parti de gouvernement. La différence ? « C’est qu’on ne va jamais aussi loin qu’on le voudrait. »
    Comme il est trop sérieux et que ses auditeurs sont trop émus, il allège l’atmosphère d’une phrase qui fait rire tout le monde : il se défend de vouloir organiser sa première contre-manifestation, quelques heures seulement après être sorti de l’Élysée 32 . Il est, bien sûr, plus qu’applaudi, longuement fêté, ovationné par des gens qui voient, comme lui et avec lui, l’âge venir et la mort arriver.
     
    Je reviens à Chirac, qui, lui, ne voit pas encore l’âge venir : ce qui me paraît le plus important, à relire ce soir le discours intégral qu’il a prononcé ce matin, c’est la volonté d’ouverture exprimée ; dire qu’il n’y a pas eu, dans sa victoire, de combat entre une idéologie et une autre, c’est, si je comprends bien, dire qu’il n’y a pas les méchants marxistes, socialistes ou communistes d’un côté, et les gentils libéraux de l’autre, mais qu’il y a entre eux une sorte de troisième voie que lui, Chirac, a la volonté d’incarner.
    18 mai
    Pendant que le gouvernement se compose, se décompose et se recompose tout au long de la journée, j’ai déjeuné aujourd’hui avec Guy Carcassonne. Par parenthèse, il me dit qu’il a mis un bulletin Michel Rocard, donc nul, au premier tour.
    Nous revenons ensemble sur un thème qui lui est cher :

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