Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
France 35 . Tout le monde est content : les socialistes parce qu’ils prennent six arrondissements dans la capitale 36 ainsi que Grenoble, Nîmes, Rouen et Tours ; les partis de la majorité, parce qu’ils reprennent Le Havre et Marseille, et gardent Lyon.
Le Front national, lui, se réjouit de détenir les mairies de Toulon, Marignane et Orange.
Jean Tiberi garde donc la Mairie de Paris, mais il aura à faire face à une sérieuse opposition. Battu, Valéry Giscard d’Estaing n’arrive pas à arracher Clermont-Ferrand à Roger Quillot, tandis que troisministres du gouvernement Juppé restent sur le tapis : Colette Codaccioni, Nicole Ameline et... Jean-Louis Debré, défait dans le XVIII e arrondissement de Paris où il avait tenté de s’établir.
Ce matin, Jean-Pierre Raffarin vient d’annoncer sur RTL qu’il crée, au sein de l’UDF, un nouveau mouvement, le sien. Son but, pas même caché, est de quitter le Parti républicain, qu’il juge profondément antidémocratique, démonétisé, en perte de vitesse et surtout anti-chiraquien. Il faut dire qu’il a eu fort à faire, pendant toute la durée de la campagne, pour diviser le PR et en amener une partie à se rallier à Jacques Chirac. « Aujourd’hui, dit-il, François Léotard veut faire une droite d’opposition ; libre à lui, mais nous, nous pouvons [il veut dire : moi, je peux ] le contrer, parce que nous sommes les plus proches de Chirac, et nous pouvons en outre être ceux qui distribueront les investitures pour les législatives de 1998 37 . »
Un autre aspect l’incite à la création du nouveau mouvement qu’il annonce : « Le Parti républicain, dit-il comme sans y toucher, est embourbé dans le problème des affaires. Il faut voir comment les choses vont évoluer. » Parlant de l’échec de Valéry Giscard d’Estaing à Clermont-Ferrand, il ironise sur le personnage : « Les décisions altruistes, chez Giscard, sont assez rares. Celle-ci en est une. Je crains, ajoute-t-il néanmoins, qu’il ne s’enferme dans sa défaite. » Je ne sais s’il le craint, mais il l’envisage sans trop de déplaisir.
Charles Millon, avec qui j’ai rendez-vous un peu plus tard, à 11 heures du matin, au ministère de la Défense, conteste, lui, la décision de Raffarin, trouvant plus habile de rester au sein du PR que de l’abandonner à Léotard. Il se veut plus chiraquien que Raffarin, si la chose est possible, et compte aller porter la bonne parole présidentielle au congrès du PR, le 27 au matin.
Lot de consolation, enfin, pour Giscard : il serait chargé, me dit Millon, pour l’Union européenne d’une grande mission ou expertise internationale. Cela devrait être annoncé au sommet de Cannes la semaine prochaine.
22 juin
Après les critiques dont son discours de politique générale à l’Assemblée nationale a fait l’objet, Alain Juppé annonce aujourd’hui, un mois plus tard, son plan d’urgence pour l’emploi, qui doit créer 700 000 emplois en un an et demi. En un mois, il a déjà changé ; il paraît plus à l’aise, plus sûr de lui : veste bleu roi, chemise d’un bleu soutenu, voix marquée par un filet d’accent du Sud-Ouest.
Un couplet, pour commencer, sur la situation « calamiteuse » des finances de la France dont le déficit, dit-il, s’établit à 322 milliards de francs. « C’est un constat, dit-il, ce n’est pas un procès. La dérive des dépenses publiques est le fruit d’une longue histoire. » Je ne suis pas sûre, néanmoins, que Sarkozy et Balladur lui pardonnent un jour l’adjectif « calamiteux ».
Pour le moment, Juppé ne s’en préoccupe pas. On lui a reproché il y a un mois de ne pas avoir chiffré ses engagements : aujourd’hui, ceux qui aiment les chiffres en ont à ne plus savoir qu’en faire. L’objet : « Nous allons nous donner la marge de manœuvre nécessaire pour lancer le plan anti-chômage. » Le plan coûte 50 milliards en année pleine, ce qui, vu ce qu’il a dit sur les déficits des finances publiques, est considérable. On me souffle, pendant la conférence de presse, qu’en réalité, Alain Juppé avait préparé un plan à 15 milliards de francs, et qu’il s’est fait retoquer par Jacques Chirac craignant que le plan gouvernemental soit trop décevant par rapport à ses promesses de campagne. Alain Juppé a évidemment obtempéré. Il énumère : contrat initiative-emploi, qui prévoit une prime de 2 000 francs par mois pour
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