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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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est entré en 1967 dans le gouvernement Pompidou comme secrétaire d’État à l’Emploi ; à la tête d’une petite bande baptisée « jeunes loups » par la presse, il venait d’être élu député de Corrèze. Si, ce soir, je ne prétends pas du tout faire une biographie de Chirac, quelques scènes me reviennent pourtant à l’esprit : la première interview que j’ai faite de lui en Corrèze, en 1970, pour mon premier magazine de télévision. Il était aussi détendu qu’un mannequin de cire, figé devant la caméra, sourire à contretemps et complet-veston sur le plateau de Millevaches.
    Je me rappelle aussi son départ de Matignon, à l’été 1976, après deux années de collaboration, qu’il avait rapidement jugées insupportables, avec Valéry Giscard d’Estaing. Sa façon d’avoir repris le RPR – l’UDR, plutôt – aux barons du gaullisme à la fin de cette même année. Et puis son culot, lorsqu’il s’est présenté à la Mairie de Paris, en 1977. Sa solitude, après l’échec de 1988, sa volte-face sur l’Europe en 1992, la confiance faite imprudemment à Édouard Balladur, l’abandon de ses amis, ses doutes sur son avenir politique, en 1993, et finalement sa victoire en 1995.
    Trichait-il sur lui-même lorsqu’il se présentait comme à peu près inculte, haïssant la musique, amateur de romans policiers, alors qu’il aimait et connaissait déjà l’Asie comme un sinophile averti ? Sans doute. Pourquoi éprouvait-il le besoin de le faire ? Comme si, faute de se trouver lui-même, il avait voulu égarer les autres, leur montrer celui qu’il n’était pas pour cacher celui qu’il aurait voulu être 29 .
    Psychanalyse à deux balles...
    Cela étant, j’ai toujours pensé – je le pensais déjà en 1986 – que Chirac était un néo-gaulliste d’une génération qui n’a pas vraiment connu le général de Gaulle, un grand radical comme il en a existé sous la IV e  République, avec une authentique fibre sociale. Il faut dire que, de ce point de vue, la période 1986-1988 avait davantage montré le libéral qui était en lui – en Balladur, surtout – que le social...
    Peut-être me fais-je des illusions, mais je crois que cette victoire révèle de lui son meilleur aspect. En fera-t-il usage à l’Élysée ? À voir.
    En tout cas, la France entière ne retiendra de cette soirée électoralequ’une longue promenade de Chirac en voiture, toutes vitres baissées, à travers Paris, interminablement filmée de près par Benoît Duquesne et les caméras de France 2 jusqu’à son arrivée, triomphant, au balcon de son QG de l’avenue d’Iéna. Pas beaucoup d’indications politiques dans tout ça. Juste un guerrier victorieux après tant de défaites. Oublié, le premier tour. Il a gagné : son sourire éclatant tient lieu de remerciements à ceux qui l’ont élu.
    Lundi 8 au matin (en attendant les fêtes de la Victoire)
    Tant de choses à dire aussi au moment où les portes de l’Élysée se referment sur Mitterrand. Je me demande aujourd’hui, la soirée électorale terminée, ce qu’il reste des quatorze ans qui viennent de s’écouler, et ce qu’il m’en reste, en tentant de ne pas trop penser à ce qui m’a gravement opposé à lui du temps de la Haute Autorité, il y a maintenant si longtemps.
    Ce qu’il en reste, à mon avis, sans vouloir entamer ici une thèse sur les deux septennats Mitterrand : l’idée que la gauche au pouvoir n’a pas été un simple déjeuner au soleil. Oublié, pour la première fois dans l’histoire du XX e  siècle, le tragique destin du Front populaire, depuis l’allégresse populaire qui l’accueillit jusqu’aux caisses vides et à l’impuissance face à la montée des périls internationaux. La gauche a gouverné, elle a eu des ministres des Finances qui ont su défendre les intérêts français, maintenir la monnaie, accompagner les avantages sociaux, entonner l’air de la rigueur ; des Premiers ministres, de Pierre Mauroy à Michel Rocard, qui ont su trouver un juste milieu entre promesses et réalisations ; et un président de la République qui, critiqué comme aux pires heures de 1993, ou encensé comme à l’été 1981, a incarné la France, à l’intérieur comme à l’extérieur, avec une sorte d’élan, de souffle parfois romantique, parfois dramatique. Un homme de culture, amateur d’histoire et de littérature, qui a donné à ces années de pouvoir un lustre, un éclat. Un homme, enfin,

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