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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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précipité dans la Seine où il s’est noyé, à quelques mètres du passage du cortège du Front national. Sans doute, sur ce point précis, Chirac et Jospin se sont-ils téléphoné. Ou bien leurs proches l’ont-ils fait. La crainte était, pour les deux candidats, de laisser leur débat se polariser sur le thème de l’extrême droite au détriment des autres sujets politiques, économiques et étrangers qui sont inévitablement abordés dans une émission de ce genre.
    Quant à se partager les dépouilles du vote Le Pen, pas question, pour aucun des deux, de se disputer ses voix. Tout le monde sait que Le Pen a opposé, depuis janvier dernier, la « courtoisie » de Balladur à l’ostracisme manifesté contre lui par Chirac. Jospin ne veut pas en tirer parti publiquement. Chirac, lui, il sait que le moindre pas en direction du président du Front national risquerait de lui faire plus de mal que de bien. En tout cas, pas un geste, d’aucun côté, à l’adresse de Jean-Marie Le Pen.
    Bon, une certitude : le débat n’a rien changé. L’arithmétique doit gagner sur la dynamique que, pour tout dire, on n’a pas beaucoup ressentie hier chez Jospin.
    6 mai
    Après le débat, les dés roulent. Jospin a fait encore deux meetings, dont celui de Toulouse où, pour la première fois, il a rendu hommage à Mitterrand, et celui de Bordeaux. Pour la première fois ! On ne peut pas dire que Jospin se soit appuyé sur le chef de l’État avant le premier tour. Au contraire : à aucun moment il ne lui a demandé de lui donner un coup de main, de participer à sa campagne, comme s’il craignait que cela puisse lui nuire. Mitterrand doit trouver cette indifférence – qu’il lui rend bien – assez saumâtre.
    À propos de Mitterrand – il est bien temps d’y arriver ! –, je me pose plus de questions que je n’ai de réponses, ce qui, pour un journaliste, est tout de même assez ennuyeux. Je pense qu’on apprendra beaucoup de choses, dans les mois qui viennent, sur l’évolution des rapports entre Mitterrand et Balladur. Je me rappelle la lune de miel des débuts entre les deux hommes. Mitterrand avait l’air d’être ravi des bonnes manières de Balladur, qui le changeaient de la rudesse de ses relations avec Jacques Chirac de 1986 à 1988. La première à m’avoir prévenu d’un changement a été Laurence Soudet au débutde 1994. L’occasion en était l’investigation du juge Jean-Pierre qui, avant de ressortir l’affaire du financement du PS, avait été reçu par Balladur à Matignon. Depuis lors, il y a eu beaucoup de motifs d’agacement, dont l’affaire Schuller-Maréchal, les prises de position de Balladur sur le moratoire nucléaire ou la politique étrangère de la France 27 . Joints à un reproche : celui de l’hypocrisie de Balladur à son endroit. J’ai beaucoup entendu à l’Élysée, depuis deux ans, parler d’hypocrisie sans savoir ce qu’il y avait derrière ce terme, ni quels comportements de Balladur cela visait. Je pense de toute façon que n’importe quel Premier ministre aurait exaspéré Mitterrand au bout de quelques mois.
    Si Mitterrand avait aimé Lionel Jospin, la cause aurait été entendue : il aurait fait savoir aisément de quel côté penchaient son cœur et ses idées. Il était terriblement agacé par Balladur, surtout à partir de l’année dernière, mais, en même temps, il était hostile au choix de Jospin. Le seul qui a fini par bénéficier sinon de sa sympathie, du moins de sa neutralité a été Chirac. Comme me l’a dit Hervé de Charette à propos de Giscard : la haine, c’est comme un mille-feuilles, il n’y a que la dernière couche qui compte.
    7 mai
    Jacques Chirac élu 28 .
    Tard ce soir, je repense à sa trajectoire, si tendue vers la victoire depuis plus de trente ans, et en même temps si heurtée. Comme celle de Mitterrand, d’ailleurs : il a été élu à l’Élysée la troisième fois qu’il s’y présentait, il l’a fait en s’appuyant sur un grand parti, sur des militants, une organisation. Ils ont su l’un et l’autre infléchir leur discours politique sous l’empire de la nécessité : Mitterrand a choisi de prendre le pouvoir sur la gauche dès 1971, parce qu’il savait ne jamais pouvoir y parvenir par la droite. Chirac a emprunté, sur sa gauche, le langage de Philippe Séguin, d’Emmanuel Todd et d’Henri Guaino parce que Balladur occupait l’espace à droite.
    Tant de chemin parcouru depuis qu’il

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