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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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plutôt qu’au nombre d’enfants. Tout cela, pourtant nécessaire, est explosif. Autant que l’annonce d’économies budgétaires pour cause de critères de Maastricht : le contraire de ce à quoi, il y a un an, après le coup de la « fracture sociale », les Français s’attendaient.
    Je me dis pourtant que la fin de l’année dernière a été si terrible, sur le plan social, que quelques mouvements sporadiques, quelques grèves paraissent aujourd’hui naturelles, dans l’ordre des choses, pas le moins du monde préoccupantes. D’où l’apparente sérénité de Juppé.
    Fin avril
    Navrant, il n’y a pas d’autre mot pour évoquer cette lamentable affaire ! Quelle tristesse de voir l’abbé Pierre s’embringuer dans le révisionnisme, sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose ! Tant d’ardeur à défendre pendant des années la veuve et l’orphelin, tant de courage mis à aider les Juifs pourchassés à franchir les frontières pendant la guerre, tant de combats pour les droits de l’homme, contre les égoïsmes, tant de discours pour stigmatiser la misère des pauvres et l’arrogance des puissants ! Et puis voilà que notre cherabbé vient de basculer dans l’incompréhensible en affichant ostensiblement son soutien à Roger Garaudy 22 .
    Si encore c’était pour une cause à sa mesure, noble, farfelue, donquichottesque ! Une phrase de soutien à un ancien communiste attaqué, abandonné de tous et un peu fou, passe encore. Mais l’abbé est allé plus loin : en acceptant de remettre en question les exterminations nazies pendant la guerre, en contestant le nombre des chambres à gaz, en considérant que le « mythe » des 6 millions de Juifs morts appartenait à la propagande israélienne, il est passé de l’autre côté de la ligne rouge. La marque de l’âge ? Une erreur ? J’aimerais le croire, mais il persiste en disant dans Libé , ces jours-ci : « Le débat n’est pas clos », en parlant de l’Holocauste comme si la réalité des camps méritait encore une controverse.
    L’abbé a voulu refaire l’Histoire. Mais c’est à sa propre histoire qu’il porte un coup fatal.
    5 mai
    Lors de la convention du RPR qui s’est tenue aujourd’hui au Palais des Congrès, Alain Juppé a eu une phrase qui a intrigué les journalistes présents, dont j’étais. Il a dit : « Il ne s’agit pas de vaincre en 1998, mais de convaincre nos compatriotes. » Veut-il dire qu’il préfère perdre que de ne pas convaincre, ou qu’on peut vaincre sans convaincre, convaincre sans gagner ? Voilà une phrase que Chirac n’aurait jamais prononcée. Ou bien il aurait plutôt dit le contraire : il ne s’agit pas de convaincre, mais de vaincre ! Chasser l’intellectuel chez Juppé, il revient au galop...
    Pourtant, pour l’heure, pas le moindre coup de canif au contrat passé l’année dernière entre Chirac et lui. Peut-être est-ce dû à un certain partage des rôles ? À Chirac la scène internationale, les embrassades avec Helmut Kohl, les sommets africains avec ces dirigeants qui l’encensent, les signatures de fin de conflit entre Serbes et Bosniaques. À lui également les mesures populaires. Et à Juppé laréforme dans un pays qui lui est majoritairement hostile. Je me rappelle qu’un sondage de La Tribune , il n’y a pas si longtemps, indiquait que 60 % des Français n’en voulaient pas. Et pourtant, il faut bien avancer : sur la Sécurité sociale, l’hôpital, les régimes spéciaux de retraite, beaucoup de gens de gauche donnent le plus souvent raison à Juppé. Il n’empêche : il faut prendre des coups pour avancer d’un millimètre.
    Eh bien, malgré les bonheurs de l’un et les difficultés quotidiennes de l’autre, rien, jamais, n’a altéré les bons rapports entre ces deux hommes. Pas le moindre propos désagréable entre entourages, pas de signes de la moindre irritation. Une complémentarité, en revanche, l’un avec l’autre, une interaction de l’un sur l’autre et de l’autre sur l’un. On ne devrait, du coup, pas trop se demander, comme le fait régulièrement le petit milieu politique de la majorité, si Juppé va partir de Matignon, et quand. Comme me le disait Édouard Balladur : le problème, quand on change de Premier ministre, est qu’on peut toujours en trouver un pire. Chirac n’a pas voulu de Séguin parce qu’il estimait impossible cette même concorde entre eux deux ; ce n’est pas maintenant qu’il

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