Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
Balladur, tous trois anciens ministres des Finances ou du Budget, qui lui ont mené un train d’enfer en rappelant que le niveau des prélèvements obligatoires ne cessait d’augmenter, qu’il atteignait 45 %, seuil au-delà duquel il devient intolérable en régime libéral. Sarkozy avait déjà dénoncé, l’année dernière, la hausse de deux points de la TVA. Le relèvement de la taxe sur le tabac et sur l’essence a encore alourdi le poids des impôts indirects.
Ces ténors de la majorité, qui ne sont pas de ses amis, Juppé a voulu les prendre de vitesse en annonçant une réforme fiscale qui, si j’ai bien compris, subordonne la baisse de la fiscalité à celle des dépenses publiques. Il s’est donc donné cinq ans pour y parvenir. Cela passera essentiellement par une modification de l’impôt sur le revenu, tandis que les impôts indirects, bien commodes, ne sont pas en passe d’être supprimés.
Résultat : une réforme fiscale politique par quoi Juppé essaie de ménager tout le monde – ceux qui demandent une baisse des prélèvements pour relancer la consommation, et certains experts pour qui la réduction du déficit ne saurait en aucun cas être liée à la baisse des impôts directs ou indirects.
Dans tout cela je vois l’influence grandissante, au fil des jours, de Sarkozy. Les idées de cette partie très active de la majorité, ce sont les siennes, celles qu’il développait quand il était au Budget, celles qu’il développe de façon incessante depuis l’élection de Jacques Chirac.
9 juin
Formidable numéro de « Polémiques », aujourd’hui dimanche. Il y a six mois, j’avais reçu, à l’occasion du limogeage collectif de la plupart des femmes du gouvernement Juppé, les ministres éconduites. Six mois plus tard, dix femmes, toutes anciens ministres – parmi lesquelles Simone Veil et Édith Cresson –, viennent de signer, dans L’Express , un « Manifeste pour la parité » entre hommes et femmes dans les postes publics.
Comment cela s’est-il passé ? Yvette Roudy a raconté à l’antenne qu’après l’émission de novembre dernier, la plupart de celles qui étaient présentes sur le plateau – dont elle-même, Monique Pelletier et Michèle Barzach, et j’en passe – ont décidé de se revoir. Elles ont appelé à la rescousse Simone Veil et Édith Cresson, et, au bout de quelques réunions, elles ont pondu ensemble le texte qu’elles rendent public aujourd’hui.
À la base, évidemment, des constatations et des chiffres que nous connaissons par cœur : 5 % seulement de députés à l’Assemblée nationale sont aujourd’hui des femmes. Du point de vue de la place faite aux femmes, la France est le dernier pays – 15 e sur quinze – en Europe. Elle se situe, au niveau mondial, au 37 e rang, après la Turquie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il est vrai que nous sommes dans un pays où les révolutionnaires de 1789, partisans du suffrage universel, n’ont pas pensé une seconde à l’étendre aux femmes ! Mais c’est une autre histoire : je ne suis pas revenue sur la Révolution française au cours de l’émission...
Ce qui est révélateur, c’est que, pendant toute la semaine qui a précédé cette émission, j’ai cherché, pour les inviter sur le plateau face à elles, des hommes politiques qui aient quelque chose à dire sur le sujet. Pas un n’a voulu venir : les uns parce que étant d’accord, me disaient-ils, ils n’avaient rien à ajouter ; les autres, qui ne comprenaient absolument pas l’idée d’une introduction forcée des femmes dans la vie politique, ne souhaitaient pas affronter l’opinion publique (le corps électoral en France est composé de 52 % de femmes et de 48 % d’hommes) pour défendre leur point de vue ; certains, enfin, ont fait valoir que la politique des quotas était non conforme au droit constitutionnel, et qu’il n’y avait pas possibilité de l’instituer pour les femmes.
Simone Veil a été formidable, Édith Cresson aussi. Pour la première fois on a vu, je pense, la différence entre la façon de s’exprimerdes femmes politiques, beaucoup plus nuancées, pleines d’humour, ne mâchant pas leurs mots, et la façon toujours pleine de sous-entendus ou de motivations cachées des hommes. En tout cas, ceux qui étaient présents sur le plateau, comme ceux qui ont regardé l’émission, ont compris le message : une place de plus pour les femmes sur les listes électorales
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