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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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choisie, dit-il, n’est pas la bonne. Elle ne nous conduit ni vers la grandeur de la France, ni vers la prospérité économique, ni vers la justice sociale. » Il ajoute une curieuse métaphore, peut-être inspirée par son passé chez Ricard, afin d’illustrer son propos : « L’équipage le sent, il s’inquiète, et ce n’est pas une double ration de rhum qui changera durablement son état d’esprit ! »
    La charge est radicale ; pas le moindre petit bon point accordé au Premier ministre ; une contestation générale, sans nuances, quoique exprimée avec l’accent du Midi qui arrondit toujours un peu les angles. J’ai l’impression que, loin de le calmer, le coup de téléphone de Chirac l’a au contraire incité à en faire plus qu’il n’envisageait.
    Pour finir, il retrouve le discours qu’il avait opportunément interrompu aussi longtemps qu’il appartenait au gouvernement Balladur : il faut, développe-t-il aujourd’hui, retrouvant ses accents de la campagne référendaire de 1992, « desserrer la mâchoire Maastricht ». Il faut revenir à l’idée européenne elle-même : « L’Europe n’est pas une monnaie, mais la cohabitation des plus anciens pays du monde. La monnaie n’est pas une fin en soi, elle ne peut être laissée aux seuls caprices du marché. »
    Au sujet de l’Europe, l’assistance est divisée : il y a là des souverainistes, mais aussi des militants favorables à Juppé et à Chirac, qui ne souhaitent pas voir réémerger les divisions de Maastricht. Ceux-là apprécient modérément la charge de Pasqua. En revanche, il se taille un franc succès lorsqu’il parle des lois qu’il a signées sur l’immigration. Sa formule est très applaudie : « La France a le droit, dit-il, d’accueillir sur son territoire qui elle veut, et non pas qui le veut ! »
    « Comment engager les réformes de structure nécessaires ? » lui demande un convive lorsqu’il a achevé son intervention. « La France, répond Pasqua dans une sorte de profession de foi optimiste, est peuplée de conservateurs, de conservateurs de gauche, de conservateurs de droite. Mais, finalement, les Français sont toujours disponibles pour un projet novateur à condition qu’ils sentent la volonté de l’État. » La critique de la présidence Chirac est, là, subliminale : pas assez de volonté, pas assez de réformes, ou des réformes mal engagées.
    Le reste de ses réponses est plus classique : vaste emprunt national pour l’investissement et la création d’entreprises, baisse des charges sociales – il avance la panoplie des réformes libérales.
    Une fois de plus, après cette soirée, il est évident que la base du RPR – même si c’était ce soir une base huppée, c’était tout de même la base ... – ne veut pas se diviser. Militants, sympathisants et électeurs du mouvement gaulliste détestent la division : ils ont sans doute beaucoup souffert récemment de l’affrontement entre Chirac et Balladur, et n’ont aucune envie de le voir se perpétuer. Cela n’a pas empêché Pasqua de se « lâcher », mais il n’est pas sûr qu’il ait complètement conquis, ce faisant, son auditoire.
    Je mesure aujourd’hui à quel point la culture du RPR est différente de celles des socialistes : les courants, les chapelles, dont la gauche raffole, les gaullistes les détestent. Ce qui oblige les diviseurs, chez eux, à clamer haut et fort la nécessité de l’union. Grand écart nécessaire à qui veut gagner le cœur des militants...
    20 septembre
    Violente polémique entre Juppé et Jean-Marie Le Pen. Le Pen a sorti, il y a environ trois semaines, une de ces formules dont il a le secret, inutile et choquante, sur l’inégalité des races. C’est son fonds de commerce. Devant les jeunes du RPR, hier, Juppé l’a déclaré « raciste, antisémite et xénophobe ». Colère de Le Pen qui réclame aujourd’hui la démission du Premier ministre.
    Cela n’aurait aucune importance si, une fois de plus, je n’avais l’impression que la haine inexpiable entre Chirac et Le Pen condamne la droite dite classique, UDF et RPR, à redevenir minoritaire. Mitterrand avait bien vu quel cadeau il laissait derrière lui à la gauche : il y a quelques jours encore, Jospin disait sur Le Pen l’équivalent de ce qu’a dit Juppé. Le Pen n’a pas bronché, il ne s’est pas attaqué une seule seconde au chef du PS. Il préfère garder ses coups pour le président de la

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