Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
au Parlement après toutes ces passes d’armes avec l’UDF et, au sein du RPR, avec Pasqua et Mazeaud. La confiance est votée par plus de 450 députés de la majorité. En apparence, c’est un succès pour Juppé. Pourtant, ce vote fait apparaître, derrière une fausse unité, l’existence d’une majorité schizophrène au sein de laquelle les clivages UDF/RPR et balladuriens/chiraquiens sont plus nets que jamais. Il suffit d’entendre, après qu’ils sont sortis de l’hémicycle, les propos ironiques des parlementaires UDF pour s’en rendre compte. Bernard Bosson réclame compréhension et dialogue pour son parti, ce qu’à l’entendre il n’arrive pas à obtenir. Plus tard, Ladislas Poniatowski ricane : « Et maintenant, l’étape suivante, dit-il, c’est de retrouver la confiance des Français ! »
Juppé fait des efforts, il se bat, il est plus rond qu’à son arrivée, il ne s’énerve plus à tout bout de champ à force de trouver les autres idiots, il fait beaucoup d’efforts sur lui-même : peine perdue ! En dehors des partisans déclarés de Chirac, il ne touche pas le reste de la majorité. Au surplus, parmi ceux qui se disent et qui sont peut-être sincèrement favorables à Chirac, de nouvelles voix s’élèvent – celle de Pierre Mazeaud, celle d’Étienne Garnier ; plus bas, celle de Bernard Pons – pour critiquer férocement le Premier ministre.
C’est dans ce contexte que François Léotard vient aujourd’hui de faire sienne et de rendre publique l’idée d’une dissolution nécessaire, ou du moins envisageable, pour y voir plus clair.
8 octobre
Après l’attentat de Bordeaux 34 , Jean-Louis Debré s’irrite qu’on l’accuse d’immobilisme en Corse. Il a dû être sérieusement secoué par Juppé.
« Je peux arrêter quelqu’un sur preuves, me dit-il place Beauvau, mais là, pas de renseignements, pas de dossiers. Partout où je peux agir, j’agis. Quelques éléments du SRPJ d’Ajaccio étaient nationalistes ; je les ai fichus à la porte. Savez-vous ce qui s’est passé ? Les politiciens de l’île, toutes tendances confondues, ont menacé de faire grève ! Alain Juppé les a rencontrés : “Ah, vous soutenez la politique du gouvernement ? leur a-t-il dit. Alors, pourquoi rencontrez-vous sans cesse les nationalistes ?” Eh bien, figurez-vous qu’ils l’ont mal pris, autant José Rossi, majoritaire, qu’Émile Zuccarelli, dans l’opposition... Non, conclut-il, en Corse, je ne peux pas m’appuyer sur les notables. »
Le constat, révélateur de la schizophrénie des hommes politiques corses, explique-t-il l’absence de réussite ?
16 octobre
Comment expliquer cette interview accordée par Jacques Chirac à François d’Orcival 35 ? À la fin août, Juppé a parlé d’alléger l’impôt sur le revenu. Bien. Puis est arrivée l’annonce de hausses futures et inéluctables des prélèvements locaux. Aujourd’hui, Chirac revient, sans aucune nécessité liée à l’actualité, sur l’ISF. Il s’est abstenu de toucher à cet impôt au moment de son retour au pouvoir, et maintenant que la croissance n’est toujours pas au rendez-vous, il explique presque négligemment qu’en effet, l’ISF favorise des phénomènes de fuite ou de délocalisation, qu’il faut y être extrêmement attentif, et, « le cas échéant », apporter à l’impôt sur la fortune des modifications qu’il qualifie de nécessaires.
Il est vrai que ce paragraphe de l’interview a été précédé par un discours de Chirac à Poitiers où, pour la première fois, lui qui n’aimepas les grands patrons, avait déploré que certains d’entre eux préfèrent quitter la France, parce que « mieux traités » ailleurs.
Au moment où les Français s’interrogent sur la réussite de leur gouvernement, sur le bilan de Jacques Chirac, pourquoi remettre l’ISF sur le tapis ? « Oh, me dit Gilles Martinet avec qui nous nous posons la question, il a dû rencontrer, avant son discours de Poitiers, un grand patron qui lui en a parlé. Avec lui, le dernier qui parle a raison 36 ... »
26 octobre
Ce n’est pas ce qui s’est passé au Moyen-Orient où Jacques Chirac a, au contraire, des convictions qui ne sont pas du tout liées à la conjoncture. Il s’était déplacé pour plaider en faveur d’un État palestinien. Il l’a fait sans langue de bois, sans diplomatie. En Syrie où il a commencé son voyage par un discours de paix. Puis en Israël
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