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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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contenteront.
    Juppé continue : la balance du commerce extérieur va mieux ; il a noté une forte augmentation des permis de construire, des immatriculations de véhicules automobiles. « Tout cela, insiste-t-il, n’est pas aussi catastrophique que je l’entends dire matin, midi et soir. L’économie française n’est pas en récession. » Au fond, il s’adresse d’abord, dans le but de tenter de les convaincre, à ceux dont fusent les critiques les plus féroces contre son gouvernement, ceux qu’il a devant lui, ce matin : les militants de l’UDF, et davantage encore ses dirigeants.
    Il leur dit – ce qui n’est pas usuel dans ce genre de réunion – ce qu’il a sur le cœur. On l’accuse de ne pas assez baisser les impôts ? « On ne l’a jamais fait, plaide-t-il, depuis des décennies. On me dit d’en faire plus. Voire ! Je tiens à privilégier le travail et l’emploi. »
    Le combat pour la maîtrise des déficits ? Il est, assure-t-il, en passe d’être gagné, les déficits publics et celui de la Sécurité sociale étant en même temps réduits.
    Le plus important lui reste encore à dire : c’est une mise en garde adressée à ses auditeurs, parmi lesquels, au premier rang, François Léotard et François Bayrou. J’ai noté son avertissement avec précision : « Je comprends, certes, que vous vouliez et que mes propres amis veuillent faire entendre leur différence et affirmer leur identité. Je considère aussi que les deux formations de la majorité doivent s’efforcer sinon de parler d’une même voix, en tout cas de coordonner avec soin leurs prises de positions et d’éviter autant que faire se peut les discordances. »
    Il termine son intervention en proposant, ce qui est assez bien reçu par l’assistance, de « réfléchir à une distinction entre le temps du soutien et le temps de la proposition ».
    Lorsqu’il quitte la tribune, il a gagné son pari devant les militants de l’UDF qui souhaitent l’apaisement au sein de la majorité. L’accueil que lui font les dirigeants, en revanche, me semble plus réservé.
    Pas grand-chose à retenir d’autre de ces journées, sinon que l’annonce à la une du Monde , en ce début d’après-midi, d’une réforme du mode d’élection des députés fait grand bruit dans les travées. D’après le quotidien, le gouvernement voudrait – air connu, marronnier de la vie politique ! – introduire une dose de proportionnelle à l’occasion des prochaines législatives. Contrairement à ce que j’attendais, François Bayrou me dit son hostilité à cette modification du mode de scrutin. Sa position me laisse surprise : je pensais que le centre, ne serait-ce que pour exister dans ce régime devenu depuis 1958 à tendance bipolaire, réclamait au contraire le rétablissement du scrutin à la proportionnelle. « Le centre, m’explique-t-il, devient mou si les élections se font avec ce mode de scrutin. Moi, je veux un centre “dur”, émanant du système majoritaire. »
    Il souligne qu’au centre, il était seul, avec Raymond Barre, à être sur cette position.
    Centre « dur » ou centre « mou », je continue à penser, quoi que m’en dise Bayrou, que le problème, pour le centre, est avant tout d’exister.
    8 septembre
    Déplacement avec Charles Pasqua à Saint-Nazaire où Étienne Garnier, qu’il avait beaucoup aidé à faire élire en 1993 30 , lui a demandé d’animer une rencontre avec les militants gaullistes du coin. Le chiraquien de la première heure Étienne Garnier et le balladurien de 1995 Pasqua ont en commun leur hostilité à Alain Juppé. Quelques minutes avant qu’il ne s’asseye à la table du déjeuner, Charles Pasqua reçoit un coup de téléphone : c’est Jacques Chirac qui l’appelle. « Tiens, vous êtes tous les deux à Saint-Nazaire ?, fait-il mine de s’étonner. Pardon, je ne voulais pas vous déranger... » Suit un échange bourré de généralités, puis, avant de raccrocher : « Bon, dit Chirac, n’y va pas trop fort. » Sous-entendu : pas trop de critiques envers la politique de Juppé. Que le Président lui-même veille sur son Premier ministre pour lui épargner les coups, c’est un signe des temps. Sous la V e  République, en général, c’est plutôt l’inverse.
    Le coup de fil présidentiel laisse de marbre Charles Pasqua, qui se livre, après avoir raccroché, à un éreintage en règle de la politique du Premier ministre : « La route

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