Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
cœur, du moins son état d’esprit en demandant au gouvernement « de faire preuve d’un peu plus d’ambition dans la baisse des dépenses et dans celle des impôts ».
« J’approuve les objectifs du gouvernement, a-t-il conclu. Quant aux moyens, ils gagneraient à être plus dynamiques qu’ils ne sont. »
Scènes de vie champêtres...
5 septembre
Après s’être rendu pendant l’été en Corse où il avait affirmé que les terroristes n’avaient pas à attendre la moindre complaisance de la part du gouvernement, Alain Juppé vient de rendre ses devoirs de vacances. Il semble avoir entendu les objurgations alpines de Balladur en juillet dernier, puisqu’il annonce aujourd’hui solennellement une baisse de l’impôt sur le revenu. Il est vrai qu’il ne l’avait pas attendu, puisque c’est en juin qu’il avait confié une mission de réflexion sur la réforme fiscale à Dominique de la Martinière.
Juppé a annoncé cette fois son projet de réforme fiscale dans les règles, après avoir réuni hier les leaders de sa majorité pour les consulter sur son projet. Cela tombait d’autant mieux que les ex-ministres balladuriens et Balladur lui-même avaient continué, pendant les vacances, à sonner la charge, réclamant à la fois baisse d’impôts, baisse des déficits et baisse du chômage. Sur la baisse des impôts, ils ont donc fini par se faire entendre, et c’est apparemment ravi que François Léotard, hier, sur le perron de Matignon, sortant de son entrevue avec Juppé, s’est félicité d’avoir été suivi par le gouvernement dans ce combat.
Juppé vient tout juste de présenter son projet au journal de 20 heures sur TF1 : allant jusqu’à esquisser de temps à autre un léger sourire, il annonce donc une réduction du montant de l’impôt sur le revenu de 75 milliards sur cinq ans. Ce n’est pas rien, souligne-t-il, sur les 300 milliards que cet impôt rapporte à l’État. Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Parce que avant, la situation financière de la France ne le permettait pas. Pourquoi donc aujourd’hui ? Parce que aujourd’hui, l’État a stabilisé les dépenses publiques : cette baisse d’impôt, il peut donc se la permettre.
Le discours que tient Juppé aujourd’hui est exactement celui que Balladur pourrait tenir à sa place : on baisse les impôts, on redynamise l’économie, on accorde un supplément de pouvoir d’achat aux uns, on encourage l’investissement chez les autres. On fabrique plus de richesses, donc plus de croissance. Tout cela en rééquilibrant la ponction sur les revenus du travail par rapport à celle opérée sur le capital et en entrant dans les « clous » des critères de Maastricht. CQFD.
Quant à l’emploi, dont Chirac avait fait sa priorité en 1995, il n’en est question qu’une fois dans l’intervention de Juppé : pour souligner qu’il baissera lorsque la croissance se refera sentir.
Juppé s’est « balladurisé » pendant les vacances.
Le problème, c’est qu’en matière de baisse fiscale, on n’en fait jamais assez, ou bien on ne convainc pas. À gauche, Dominique Strauss-Kahn, puis Laurent Fabius protestent : il fallait procéder à une baisse de la TVA ou de la taxe d’habitation, qui touchent tout le monde, ou encore baisser les taux d’intérêts. Au sein de la majorité, l’UDF, sitôt après avoir obtenu satisfaction sur la diminution de l’impôt direct, se plaît, mauvaise joueuse, à souligner qu’elle espère que cette baisse sera irréversible et ne sera pas suivie, dans l’année, « par des augmentations de recettes dites de poche, par exemple de la taxe sur l’essence 29 ».
7 septembre
Me voici, pour une journée seulement, à La Baule à l’université d’été de l’UDF où, après son allocution télévisée d’avant-hier, Juppé, en fin de matinée, est venu parler de la rentrée politique, dans laquelle il voit de nombreuses raisons d’espérer : « Depuis mai 1993, dit-il [englobant donc les efforts de Balladur de 1993 à 1995 et les siens depuis un an], le chômage n’a que très peu progressé. » Une constatation qui ne me semble pas vraiment très ambitieuse. « Vous parlez d’un programme ! » avait dit Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’Édouard Balladur, dans sa campagne présidentielle, avait parlé de réduire de deux cent mille unités par an le nombre des chômeurs. Je ne sais si les membres de l’UDF s’en
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